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| Sujet: Un compte (véridique) de Noêl. Mar 20 Nov 2012 - 14:10 | |
| - Mc LOS a écrit:
- Mon ami Emile LACROIX vient de m'envoyer un petit feuillet qu'il avait rédigé il y a quelques années pour les membres de son club.
Il vient de le retrouver en rangeant son grenier...
Etonnante et véridique histoire qu'il m'a autorisé à partager avec vous. L'histoire débute dans une ville Allemande, Aix-La-Chapelle, située à moins de 15 Km de mon village natal, à l'autre côté de la frontière "d'invasion". Tout aussi étonnant le film amateur qui a découlé de cette histoire ou Emile; tout jeune (1967); joue le rôle d'un GI. Autre époque, autres moyens mais déjà la même passion qu'aujourd'hui. Sacré Emile !!
Joyeux Noêl à tous...
Paix sur terre, aux (7) hommes de bonne volonté.
Un souvenir d'enfance par Fritz VINKEN.
L'histoire suivante a été fournie par le «Jeune garçon » de l'histoire, Fritz VINKEN, pour un programme TV Américain appelé « les mystères irrésolus » et a été reprise par la revue U.S. officielle des vétérans de la bataille des Ardennes. John BOWEN, l'historien de la revue, a pu déterminer que plus que surement, la plus grande unité US dans la région où se passe cette histoire devait être la 106th Infantry Division. Cependant, le 24 Décembre, les lignes avaient été repoussées si loin à l'ouest par les Allemands, qu'il est probable que ces Américains s'étaient perdu depuis des jours et étaient à la recherche des lignes Américaines. Ils auraient pu appartenir à d'autres unités qui étaient attachées au secteur de Prüm. Fritz VINKEN habite maintenant à Honolulu, HAWAII.
*******
J'avais 12 ans, lorsqu'une nuit d'avril, 1944, un raid de bombardement lourd sur la ville d’Aachen laissa ma famille sans abris. Nous avons été évacué tous ensemble hors des ruines fumantes de la ville vers un petit village près du Rhin, ou nous avons trouve refuge. A 15 Km se trouvait la ville de Neuwied ou mon père avait été placé pour superviser les opérations d'une grande boulangerie, tenue par maitrise supérieure de la confrérie de boulangers. Ensuite, quelques mois plus tard, cette boulangerie aussi fut endommagée sans possibilité de réparations immédiates. Mon père (48 ans) était sur le point d'être réquisitionné par 1'armée pour devenir soldat, mais a notre grand soulagement, les gens de la maitrise supérieure connaissaient les gens qu'il fallait et furent capable de le faire réformer et de le faire inscrire comme boulanger civil, pour cuire du pain pour 1'armée. Il reçut 1'ordre de se présenter pour travailler à une «boulangerie de campagne », quelque part le long de la frontière Belge. C'était a la fin de l’été, 1'invasion alliée roulait vers 1'Allemagne et semblait impossible à arrêter. Beaucoup avaient te sentiment que la guerre serait finie avant la fin de 1'automne et on faisait des plans pour aller se cacher pour attendre que le front nous dépasse.
Un soir, mon père est arrivé dans notre village avec un petit camion de 1'armée, nous a emmené ma mère et moi, et nous avons roulé toute la nuit pour nous conduire à proximité de son travail. Là, à environ 30 Km d'où il était en service à la boulangerie, dans la profonde forêt ardennaise sur une colline boisée, il y avait une clairière à 1'orée de laquelle se trouvait un pavillon isolé, inhabité et abandonné. Un ami boulanger de mon père lui avait indiqué le chemin de ce refuge caché et 1'avait aide à préparer notre arrivée. «Ici, vous devrez passer les prochaines trois à quatre semaines » nous avait dit papa plein d'espoir, « alors la guerre sera derrière nous ». Ca ne devait pas être le cas.
Les semaines tournèrent en mois tandis que le front s'engourdissait, et en Décembre, Hitler surpris les Alliés avec une dernière offensive téméraire que 1'histoire appellerait « La Bataille du Saillant (ou des Ardennes).
Nous vivions toujours dans notre pavillon, la neige épaisse avait complété notre isolation et nous avait coupé du monde extérieur. Mon père qui nous avait fourni des provisions jusque tard en novembre, ne pouvait plus nous atteindre.
Notre pavillon avait deux petites fenêtres vitrées, un four en briques pour chauffer et
cuire, une ample réserve de bois était stockée dans une remise tout à coté. Notre réserve de nourriture de base nous laissait encore quelque semaines avant que les grandes neiges ne tombent et j'étais descendu dans la vallée vers un silo à pommes de terre, où des sangliers sauvages avaient fait un trou dans 1'épaisse couverture. J'allais là avec mon havresac aussi souvent que le temps le permettait et il y avait là une ferme désertée avec sa porte grande ouverte. Elle avait été complètement pillée, excepté quelques chandelles éparpillées sur le sol. Sachant combien nous en avions besoin, je ne pouvais résister à les prendre. II y avait aussi un habitant esseulé, un coq décharné et affamé qui me suivait dans sa recherche de quelque chose à manger. Ma mère 1'avait appelé « Hermann » et il devint notre hôte pour un moment. Son appétit était vorace. Notre gruau d'avoine fondait rapidement et il devenait très dodu. Les cris d'Hermann s'amplifiaient aussi, ce qui était énervant dans notre retraite isolée.
Une semaine environ avant Noël, l’enfer se déchaina. Du fond de la vallée, nous parvenait le son des durs combats, le staccato des mitrailleuses et le hurlement des roquettes. Nous nous sentions en sécurité dans notre cabane, mais par précaution, Hermann fut réduit au silence. C'était dur de ne pas s'inquiéter au sujet de mon père. Nous espérions le mieux pour lui, qui dans sa situation, était de devenir prisonnier de guerre. Pour lui, cela voudrait dire une sécurité relative dans un camp Américain.
Le 24 Décembre, le temps s'éclaircit. Les températures descendaient la nuit en-dessous de zéro, mais le soleil se levait sur un ciel bleu sans nuages. Toute la journée, plusieurs centaines d'avions Alliés volaient vers leurs missions de mort sans opposition. Le grondement lourd et lugubre de leurs moteurs devait rester enfui pour toujours dans mon esprit. Lorsque la nuit est tombée en fin d'après-midi, la tranquillité soudaine était étrange, tandis que des étoiles innombrables peuplaient le ciel. De longues chandelles de glace s'étaient formées a 1'extérieur de nos fenêtres. Une simple bougie éclairait les alentours de notre fourneau, où maman était en train de préparer une soupe délicieuse, dans laquelle Hermann était l'ingrédient le plus substantiel. Nos pensées étaient avec papa, qui nous manquait maintenant plus qu'à tout autre moment. «C'est la veillée de Noël» dit maman tranquillement, «il doit sentir que nous pensons à lui.»
A ce moment, nous avons pu entendre du bruit à 1'extérieur, de faibles sons de voix humaines. Maman souffla la bougie en hâte et nous avons attendu dans un silence craintif. Il y eut un coup frappé sur la porte, prudent et plein d'anxiété. Ensuite un autre coup. Maman se dirigea vers la porte. Je me suis glissé derrière elle et quand elle a ouvert, il y avait deux hommes dans l'ouverture, comme des fantômes se découpant sur l'arrière-plan blanc sans fin. Ils portaient des casques d'acier et maman leur demanda d'où, bon Dieu, pouvaient-ils venir par une nuit pareille. L'un d'eux répondit dans un langage étrange et montra du doigt un troisième homme assis dans la neige Nous avons compris alors qu'ils étaient des soldats Américains.
Ma mère fit une pause. Elle réalisait très bien comme la situation était dangereuse. Ils étaient armés et auraient pu entrer de force, mais ils restaient là et demandaient par leur regards. Et il y avait là un homme à terre qui semblait plus mort que vif. «Komnt rein» dit ma mère en faisant un geste d'invitation vers la porte. Les soldats portèrent leur camarade à 1'intérieur et le déposèrent sur mon matelas. L'un d'eux possédait un peu de connaissance du Français, et convaincu que nous étions des Belges parlant français, il essaya de communiquer. Heureusement, ma mère avait appris à parler français quand elle était enfant lorsqu'elle avait fréquenté une école de couvent dans la Belgique voisine. Maintenant elle était informée au sujet de 1'offensive Allemande et comment ils avaient perdus leur Bataillon et avaient erré
depuis plusieurs jours à travers la forêt d'Ardenne enneigée, transportant leur copain blessé qui avait reçu une balle dans la jambe.
Nous avons rallumé la bougie. II faisait chaud dans la cabane et maintenant que j'avais aidé les soldats à enlever leurs lourdes capotes, ils ressemblaient à de grands garçons amicaux. Et ce fut de cette façon que maman les traita. Nous avons appris que l'individu trapu à la chevelure noire était Jim; son camarade grand et mince était Robin. Harry, le blessé, dormait maintenant dans mon lit. «Prend quelques patates en plus» me dit maman, tandis qu'elle allumait une autre chandelle, «nous avons besoin de plus de soupe.»
A ce moment, il se répandait une odeur tentatrice à travers notre pièce et en peu de temps, le souper fut prêt. J'avais placé les assiettes sur la table et nous nous étions tous assis pour manger, quand soudain quelqu'un frappa à nouveau à la porte. Sans hésitation, je me suis rué pour aller ouvrir, pensant trouver d'autres Américains égarés dehors. C'était des soldats, ils étaient quatre, tous armés jusqu'aux dents. D'un seul regard, j'ai réalisé qu'ils portaient des uniformes qui m'étaient familiers après quatre années de guerre. C'était des hommes de mon peuple. Des Allemands! Je fus paralysé par la peur, car bien que j'étais encore un enfant, je connaissais 1'âpre loi de la guerre: tous ceux qui apporteraient aide et réconfort a l'ennemi seraient tués. Tout cela devait-il aboutir à une fin horrible?
Tandis que je restais là, les yeux écarquillés, ma mère s'avança derrière moi dans 1'ouverture de la porte. Je ne pouvais pas voir sa figure, mais sa voix calme apaisa ma peur immédiatement. «Quelle nuit froide pour rester dehors,» dit-elle aux hommes, suivit de «Frohliche Weihnachten!» leur souhaitant ainsi un Joyeux Noël.
Les soldats semblèrent surpris à la vue d'une femme et d'un jeune garçon en ce moment et en ces lieux, mais heureux, d'avoir trouvé une famille Allemande dans cette zone frontalière. Ils répondirent aux salutations de ma mère avec un sourire amical. «Nous devons attendre le lever du Jour», expliqua 1'un d'eux, qui portait les galons de Caporal a 1'épaule. «Avez vous un petit coin chaud ou nous pourrions prendre un peu de repos et peut-être dormir un peu? Nous ne voulons pas vous déranger trop». «Bien sur vous pouvez rester avec nous», répliqua maman aussi gaiement qu'elle pouvait, «je ne voudrais pas vous laisser dehors par un froid pareil». Elle paraissait très maternelle et sa réception amicale impressionna manifestement les guerriers harassés. «Vous pouvez aussi avoir un bon souper de Noël avec nous et manger jusqu'a ce que le plat soit vide». Par la porte à moitié ouverte flottait 1'irrésistible arôme de notre bouillon de poulet dans la nuit hivernale et les hommes reniflèrent avec enthousiasme. «Nous avons aussi trois autres invités à moitié gelés qui sont arrivés depuis un petit moment, demandant pour s'abriter». Alors la voix de ma mère devint très ferme tandis qu'elle s'adressait directement au Caporal: «C'est la veillée de Noël et il n'y aura pas de coups de feu par ici». «Qu'est ce que c'est?» protesta le Caporal rudement, saisissant immédiatement l'allusion de ma mère, «Qui est à 1'intérieur? Des Américains?» Le désastre semblait imminent. Maman les regarda en face et dit, avec un calme né de la panique: «Ecoutez moi, garçons, vous pourriez tous être mes fils, ainsi que les trois là à 1'intérieur. L'un d'eux est salement blessé et ils sont juste aussi frigorifiés et affamés que vous. Faites la paix cette nuit! »
Le Caporal était sans voix. Deux, trois secondes interminables de silence suivirent. Pas un soupçon de support ne vint de son petit groupe, qui semblait plus que prêt à accepter cette invitation inattendue. Maman rompit ce temps mort. «Assez parlé», commanda-t-elle avec une autorité convaincante. « Placez vos armes ici dans l’abris à bois et dépêchez vous, le souper est presque prêt.» Ce qui se fit. Les soldats marchèrent vers la remise et placèrent leurs
armes sur une pile de bois de chauffage. C'était un véritable arsenal quand je les ai couvertes avec une vieille couverture. Maman s'était déjà précipitée à 1'intérieur lorsque nous nous sommes approché de la porte. Je pouvais 1'entendre parler rapidement en français, ensuite Jim dit quelque chose en anglais. Jamais au paravent je n'avais senti mon coeur battre comme à cet instant. Les Américains réalisant qui étaient les nouveaux arrivants et incertains au sujet des négociations de leur hôtesse, avaient pointes leurs armes. Cependant, les Allemands étaient entrés, les regardant avec suspicion, mais apparemment désarmés. Maman avec sa main gauche attrapa fermement le fusil de Jim, avec sa main droite elle prit le pistolet de Robin. Quel soulagement!
Ne perdant jamais son sourire maternel, elle était maintenant en train de chercher un siège pour chacun. Nous avions seulement trois chaises, mais le lit de maman était grand, et deux des nouveaux arrivants furent placés côte à côte avec Jim et Robin. Pendant deux minutes, peut-être trois, il y eut une tension dans la pièce, vous pouviez sentir la tension qui émanait de cette situation unique. Quand tous furent assemblés autours de la table, des coups d'oeils circonspects furent échangés. Alors soudain Harry émit un gémissement dans son sommeil. Un des Allemands questionna, dans un anglais aisé semblait-il, au sujet de la blessure de 1'Américain. En inspectant la partie supérieure de la jambe d'Harry, il annonça la bonne nouvelle a Jim et Robin: C'était une blessure seulement dans la chair, aucun os n'était touché et le froid avait empêché l’infection. «Etes-vous Docteur?» lui demanda maman. «Non mais je pense en être un un jour», répliqua-t-il avec un sourire. Alors il se mit à appliquer quelques soins et des bandages de sa trousse de premiers soins. «Sa faiblesse est causée par une forte perte de sang. Ce qu'il a besoin maintenant c'est du repos, du liquide et de la bonne nourriture. II ira bien! » Maintenant, la tension avait disparu et tout semblait relaxé. Pendant que Harry était soigné, j'avais ajouté de l'eau et quelques pommes de terre en plus pour augmenter le volume de la soupe. Hermann ne pouvait pas grossir plus maintenant et, en plus de ma mère et moi, nous avions sept bouches affamée à nourrir.
Le Caporal dévissa le bouchon d'une bouteille de vin rouge et un de ses hommes apporta un grand morceau de pain de seigle sur la table, duquel maman plaça des tranches sur une assiette. Du vin, maman réserva une petite portion pour notre patient, le reste fut divisé en parts égales. Enfin, la soupe fut prête à être servie et la lourde marmite fumante fut placée sur la table, flanquée par des bougies vacillantes. Maman s'est finalement assise sur un siège improvisé à la tête de la table. Tous les yeux étaient tournés vers elle. L'ambiance était devenue quelque peu festive, presque solennelle, et bien qu'ils étaient tous affamés, personne ne voulait commencer à manger. Jim prit la main de celui qui était assis a son côté, Robin fit de même, et soudain nous étions en train de nous tenir tous les mains 1'un de l’autre comme ils font en Amérique, lorsqu'ils rendent grâce à Dieu. Maman récita une prière spontanée pour nous tous, remerciant non seulement pour le repas, mais aussi pour cette nuit de réunion pacifique. «Et apportez une fin à cette terrible guerre, que nous puissions tous rentrer chez nous, d'où nous venons; Amen.». Il y avait des larmes dans ses yeux et quand je regardais autours de la table, les soldats étaient remplis d'émotion et leurs pensées étaient à beaucoup, beaucoup de miles d'ici. Maintenant, ils étaient à nouveau des gamins, certains d'Amérique, certains d'Allemagne, tous loin de leurs maison.
Après le diner nous avons eu du café instantané américain et du pudding d'ananas contenus dans des petites boites de couleur vert olive. Ensuite des cigarettes furent passées parmi les invités. Mais avant de fumer, c'était maman qui était allée sur le pas de la porte et nous demandait de la rejoindre pour regarder l'étoile de Bethlehem. C'était une magnifique nuit d'hiver avec des milliers d'étoiles qui brillaient et la plus claire de toutes était Sirius, qui fut notre étoile de Bethlehem en cette nuit de Noël. Personne ne parla. Chacun avait ses
pensées personnelles et doit avoir rêvé à un temps où il pourrait réellement y avoir la paix sur terre.
Les soldats dormirent sur leurs épais manteaux, tandis que j'avais trouvé place dans le lit de maman. Harry s'éveilla dans les premières heures et fut nourri d'un breuvage revigorant fait de vin rouge et de sucre. Le matin arriva assez vite et notre patient se trouva plus robuste, Au déjeuner, il mangea avec nous tous ce qui restait du bouillon de poulet. II ne pouvait pas marcher, bien sur, et une civière fut fabriquée avec deux solides perches et de la bâche provenant d'un panneau de tente allemand. Alors le Caporal expliqua à Jim et Robin, comment trouver leur chemin de retour vers les lignes américaines, tandis que 1'infirmier traduisait ces paroles en anglais. Une boussole allemande changea de mains. «Et faites attention où vous mettez les pieds, il pourrait y avoir des mines par là. Et si des «Mustangs» croisent votre route, agitez les bras comme des forcenés ».
Après cela, ils ont tous repris leurs armes, et le temps du départ était arrivé. II y eut des adieux comme parmi de vieux amis, ils se sont étreints joyeusement en se promettant de se rencontrer à nouveau «une fois que cette maudite guerre sera finie». Jim et Robin donnèrent un baiser sur les joues de maman. Harry fut placé sur sa civière et avec de grands sourires sur leurs figures les trois Américains sont partis sur leur chemin. Quelquefois, ils ont tourné la tête vers nous en faisant des signes. Nous leur avons fait des signes en retour jusqu'à ce qu'ils eurent disparu entre les arbres; heureux de la rencontre et triste que ce fut si court. «Ce sont des gens juste comme nous» ai-je entendu grommeler le Caporal à lui-même.
Maintenant c'était le moment pour les soldats Allemands de repartir vers leur régiment, lorsque maman, à ma complète surprise et celle des soldats, demanda au Caporal: «s'il vous plait, emmenez nous avec vous!» Cette décision impulsive était basée sur un raisonnement sain. Isolés depuis plusieurs semaines, espérant que papa était sauf en captivité chez les Américains au mieux, nous ne pouvions plus rester plus longtemps dans ce pavillon isolé. Maintenant c'était une chance de quitter cette forêt hivernale et inhospitalière en compagnie de quatre hommes robustes. Pour le Caporal c'était «un devoir sacré» d'honorer la requête de ma mère pour nous escorter, nous des civils, hors de ce no-man's land.
Nous avons clopiné en file indienne à travers la neige épaisse en descendant dans la vallée où il était plus facile de marcher. Le soir tombait lorsque nous sommes arrivés à une petite ville terriblement en ruines. Ca devait être Prüm, mais je n'en suis pas certain. Ce fut la que nos nouveaux amis ont dû nous dire au revoir. De cela je n'en ai pas souvenir. Je dormais debout en marchant à la main de maman.
Mes deux parents avaient 1'adresse d'un parent qui avait été évacué de la zone de combats vers en endroit en Allemagne centrale. C'est vers là que nous allions maintenant. La nuit suivante un camion de l'armée Allemande nous conduisit jusqu'a Koblence. De là, nous sommes allé en train pour un voyage avec de nombreux détours pendant plusieurs jours à travers mines et destructions vers la ville de Gotha. Ensuite encore quelques kilomètres de plus et nous gagnerions notre destination. Mais d'abord, maman et moi, nous nous sommes rendu à une distribution de soupe près de la station de chemin de fer, où de dames de la Croix Rouge essayaient de nourrir plusieurs centaines de réfugiés qui arrivaient à toutes heures des provinces de l’Est. Là, parmi les innombrables affamés, comme dans un conte de fées, nous avons été réunis avec mon père. Nous étions exultant, même s'il n'était pas facile à reconnaitre. «Tu ressemble a un vagabond !» s'exclama ma mère. «Et toi pareil !» répliqua papa et nous en avons tous bien rigolé.
II avait été sur les routes depuis deux semaines, se dirigeant vers la même adresse que nous. Quelque part sur sa route il s'était «approprié» la bicyclette toute neuve d'un officiel du
parti Nazi local, qui l'avait arrêté comme déserteur potentiel. Papa était parti grâce à son esprit de ressource et à son incroyable chance. Le vélo moderne et étincelant, était une générosité qu'il méritait bien. Son vieux deux roues grinçant fut abandonné. Ce même jour, nous sommes arrivés à Herrenhof, un petit village au bord de la forêt de Thuringe. Ici, le 8 Avril, 1945, nous avons été libérés des horreurs de la guerre par les soldats de la 4ème Division Blindée du General Patton. Des semaines plus tard, nous sommes retournés à Aachen, notre ville. Beaucoup d'années se sont écoulées depuis lors, mais chaque hiver, je regarde le ciel pour trouver Sirius, qui fut notre étoile de Bethlehem qui brilla la nuit de Noël, 1944, en plein milieu de la Bataille des Ardennes.
Fritz Vinken
L'attaque surprise des Allemands et les conditions climatiques furent la cause que beaucoup de petits groupes de combattants Américains furent isolé derrière les lignes.
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Pourquoi vous ai-je raconté cette histoire ?
En effet, on pourrait se demander pourquoi avoir traduit cette histoire plutôt qu’un récit se rapportant à l’histoire de la 82nd Airborne Division comme c’est habituellement mon cas.
La raison est que j'étais un des soldats Américains égaré dans la forêt d'Ardenne cette nuit de Noël 1944. J'étais le Pfc. Robin .......... Mais dans un film! (bien sûr). Ce film a été tourné par le CCM (Ciné Club Mosan) en 1967 sous le titre « Espoir à l’Aube ». Le tournage a duré 3 mois, tout les Jeudis soir, et s'est tourné à Godinne dans la vallée de la Meuse. Les intérieurs ont été filmés dans une remise qui se trouvait dans le parc d'un château le long de la Meuse qui s'appelle «Les Hêtres Pourpres». Il était transformé en home pour personnes âgées. Les extérieurs ont été tournés sur hauteurs de Godinne en Décembre où nous avons eu de la neige juste pour les jours de tournages.
Le scénario était tiré du récit du garçon (Fritz Vinken) qui avait vécu 1'histoire avec sa maman et qui était paru dans un Reader's Digest de 1'époque. Je n'avais jamais lu l'histoire
mais au moment de la présentation du scénario, le scénariste nous avais raconté que le père du garçon était médecin. Pour le reste du déroulement de 1'histoire, tout ce qui se passe dans le pavillon, c'est comme on nous l’avait raconté, mais le film se terminant lorsque les Américains et les Allemands se quittent quelque part où la route les sépare, je ne connaissais pas non plus la fin de 1'aventure de Fritz et de sa maman, après le départ des soldats.
Les uniformes Allemands avaient été loués dans un magasin qui loue des costumes pour le théâtre à Charleroi. Les uniformes américains avaient été prêtés par Roger Tislair qui est devenu plus tard un membre de notre club. Les armes avaient été prêtées par des collectionneurs et par le musée d'arme de la citadelle. Le film est fidèle au déroulement de 1'histoire sauf en se qui concerne le garçon. En effet il est devenu une fille dans le film car le garçon qui devait tenir le rôle ne s'est jamais présenté aux répétitions et le jour du début du tournage, il n’était pas venu et c'est la fille du Président du CCM qui habitait ce château qui 1'a remplace au pied levé.
Inutile de dire que le tournage s'est passé dans la bonne humeur et les parties de rigolade très nombreuses. Pourtant ce film, tourné en format Double 8mm, était un film très difficile à réaliser, surtout au point de vue éclairages pour rendre 1'ambiance de cet intérieur de pavillon seulement éclairé par une lampe à pétrole et quelques bougies. La sonorisation finale s'est faite en studio après le montage. Ensuite le film est passé dans de nombreux Ciné Clubs et festivals et même en Allemagne, toujours avec du succès.
Ayant quitte le CCM depuis longtemps, Je n'avais plus entendu parler du film, jusqu'au jour où j'ai rencontre Michel Massart (qui nous faisait ces fameuse cassettes vidéo de notre marche de la 82nd Airborne) ainsi qu’un autre ami du CCM. Plus personne ne savait ce qu'était devenu le film. Après recherches, Michel 1'a retrouvé et une copie en vidéo a été faite. Malheureusement, le son est devenu très mauvais mais les images sont très bien malgré la copie. Mais le plus important, au delà de 1'histoire du film, est le souvenir de ces amis du CCM avec qui j'ai passé ces moments inoubliables du tournage de ce film et de plusieurs autres. Malheureusement plusieurs d'entre eux nous ont quitté trop jeunes.
Le récit actuel que je viens de vous traduire est paru dans les années 90 dans la revue de l’association des anciens combattants US de la Bataille des Ardennes et était écrit par Fritz Vinken lui-même avec tous ses détails. Ce qui prouve que ce garçon de 1'histoire était toujours en vie et habitait actuellement à Hawaii. J’aurais aimé le contacter un jour.
Lors de retrouvailles avec des membres du CCM, Dont beaucoup de nouveaux, il avait été question de refaire le film avec des moyens plus moderne, cameras digitales etc… On aurait aussi pu corser le scénario et y ajouter des scènes d’action à tourner avec les véhicules, uniformes et matériel que nous avions dans notre club de collectionneurs et de reconstitution, le 82nd Airborne «All American» Jeep Group que j’avais créé entre temps. Cela aurait été formidable si un jour nous aurions pu refaire une nouvelle version de ce film. C’était alors, après cette nouvelle version que je projetais de contacter Fritz Vinken. Mais hélas, ce projet n’a jamais eu de suites.
Emile Lacroix | |
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