Le 09 Juin dernier j'ai eu la chance de sauter pour la première fois sur le site très particulier et cher aux passionnés de la 82nd Airborne Division; les marais de LA FIERE.
Ce saut était organisé par le très dynamique et convivial RCPT, que je félicite et remercie au passage; non seulement pour l'organisation de ce saut de La Fière; mais pour l'ensemble de l'organisation des sauts durant cette Normandie 2013.
Certains de ces sauts ont d'ailleurs été effectués dans des conditions très limites, comme ceux de Carentan le 08 et celui du Mont-Saint-Michel.
Ce n'était pas encore Bruneval, mais pour avoir été au sol avec Angy, Pascale et Yann à Carentan, je peux dire que c'était "viril".
La FIERE était programmé comme suit:
Un premier largage de C47 (dont je faisait partie) devait avoir lieu avant les largages de masse de militaires Français, Hollandais et Allemands et en fin de cérémonie, un second lift avec deux sticks devait encore être largués du C47.
La météo (vents soutenus avec rafales et plafond bas) en ont décidé autrement (comme souvent...).
Nous avons embarqué comme prévu à MAUPERTUS pour ce premier lift.
Les nouvelles de la DZ étaient mauvaises. Le largeur ne se faisant que peu d'illusions sur les chances de saut.
Peu importe, nous étions tenus par le timing des cérémonies officielles et le C47 était sensé faire un show aérien au-dessus d'Iron Mike pour ouvrir les festivités.
Peu avant d'embarquer la faim me tenaille et je décide d'avaler un excellent sandwish au curry; ERREUR !
Nous voilà partis pour un vol d'enfer dont je me souviendrai longtemps.
L'avion est littéralement ballotté par le vent et les trous d'air.
Jusque là rien d'extraordinaire.
Arrivé sur zone nous exécutons notre drill et le stick est accroché.
Ce que je ne savais pas, c'est que le C47 allait faire son show; AVANT; de nous larguer !
Là commence réellement l'enfer et nous avons eu un pâle apperçu de ce qu'ont vécu les paras du 06 juin largués en plein barrage d'artillerie.
Le C47 plonge pour effectuer un passage bas; il remonte à fond et virre à 180° a faire rompre les ailes pour replonger pour un nouveau passage bas. Ensuite il recommence pour ceux qui n'auraient pas bien vu.
Le balais aérien n'en fini pas. Nous encaissons tellement de "G" que nous tombons pratiquement à genoux quand l'avion grimpe ou vire.
Mon sandwish a envie d'évasion et flotte quelque part entre estomac et œsophage.
Je dois me contrôler, je ne peux rien faire d'autre. Je contrôle ma nausée par de profondes respirations.
Je fais le vide dans ma tête. Je ne pense qu'à une chose, sortir de ce zinc, je me fous du vent !!
Je respire tellement fort que je finis par m'hyperventiler involontairement.
Mes doigts s'engourdissent, mes bras et mes lèvres commencent à picoter, mes membres se raidissent, j'ai du mal à bouger les doigts qui se tétanisent. Je fais une crise de tétanie. Je ne comprend pas ce qui m'arrive.
Si on saute je vais devoir me décrocher, impossible de sauter dans ces conditions, je serais incapable de manipuler mon parachute et je serais un danger pour moi et pour les autres.
Après d'interminables minutes, le largueur décide d'annuler le saut, trop de vent (près de 1 km de dérive)
On reçoit l'ordre de décrocher et de se rasseoir.
Pour moi l'enfer continue; 15' à tenir jusqu'à MAUPERTUS.
Je n'en reviens pas, pour la première fois de ma vie je vais atterrir avec un avion !
La thétanie qui continue m'angoisse. Par contre je n'ai plus de nausée.
Mon voisin; un militaire US d'active; comprend ce qui m'arrive. Il connait le phénomène.
Il me dit de me calmer et d'expirer en vidant mes poumons et d'inspirer de très petites quantités d'air.
Je ferme les yeux et je me concentre sur ce que j'ai à faire.
Je retrouve doucement l'usage de mes doigts.
Le régime moteur baisse, on vient de toucher le tarmac, OUF !
Je sors de cette expérience malheureuse totalement exténué; comme si je venais de finir un marathon.
J'ai du mal à me déséquiper, tant je suis affaibli, et je me demande si j'aurai le courage un jour de reprendre l'avion.
Une chose est sûre, je ne suis pas en état de sauter. Ce n'est pas raisonnable.
Ce vol a refroidi pas mal de monde et a été pénible pour nombre d'entre nous.
Au retour nous avons croisé les C130; en route pour LA FIERE; (je ne les ai pas vu, j'étais trop occuper à ne pas gerber)
Il semble que dès que nous avons quitté LA FIERE le vent soit retombé à des valeurs encore affirmées mais acceptables.
Le mot d'ordre est:
si les militaire sautent, on reprend l'air et on saute après eux.A ce stade je décide que ce sera sans moi, je ne suis pas encore remis de mon marathon.
Après 1/2 heure, les parachutistes sont rassemblés.
Les militaires ont sauté, il y a eu de la casse.
Les vents sont acceptables, hormis quelques rafales dangereuses.
Seuls les volontaires pour cette deuxième tentative formeront deux sticks.
Il n'y aura pas de second lift comme prévu.
Certains décident de ne pas y retourner; d'autres doivent nous quitter pour des raisons de timing
J'hésite; je suis toujours dans un état fébrile; un peu "grogui", mais il faut se décider; les volontaires forment les sticks.
Il reste de la place.
Allez hop, j'y vais ! LA FIERE c'est aujourd'hui et peut-être jamais plus.
J'intègre le stick n°2 à la 6ème place.
Tout va vite maintenant.
Le vol se passe sans problème. Plus le temps passe et mieux je me sens. Je suis content de ma décision.
Le plafond nuageux est remonté et le temps s'éclaircis.
LA FIERE ! Combien de fois j'ai regardé les paras sauter là et de me dire "
la chance qu'ils ont de sauter sur cette DZ"
Le premier stick est sorti. Tout va bien, s'est à notre tour.
Par les hublos je vois les méandres du MERDERET, je reconnais la voie de chemin de fer, CAUQUIGNY; ...GO !
C'est parti, on sort bien et vite. Devant moi "
Baker" et "
Blaze", des habitués.
La sortie et l'ouverture sont parfaites. Les conditions sont bonnes.
Quelques rafales de vent viennent par moment déformer la voilure et provoquer quelques oscillations.
Je dérive bien; j'ai repérer ma drop zone; je ne risque pas de collision; je peux profiter un peu du paysage.
J'entend crier "
Geronimo"; un autre hurle "
Airborne Command".
Il est temps de se préparer à l'atterrissage.
Là ou je vais me poser, un para s'est peu être posé en Juin 1944 mais... dans 1 mètre d'eau; avec 50 kg de matériel et un T5 impossible à déventer, ni même à dégraffer.
Combien d'hommes se sont noyés là ou je vais me poser en douceur.
Juste après ma PLF une forte rafale de vent emporte ma voilure et me rejette au sol.
Je suis traîné sur quelques mètres et je dois lutter un peu avec ma voilure mais tout se passe normalement.
Encore un rêve réalisé !
J'ai personnellement dédié ce saut à Robert M. "Bob" MURPHY (Pathfinder A/505) qui a combattu sur le site de LA FIERE et qui nous a malheureusement quitté le 03/10/2008 sans que j'aie jamais eu l'occasion de le rencontrer.
Quel bonheur de retrouver parmi le public nombreux mon ami Emile LACROIX.
Celui-là même qui m'a donné l'envie d'en connaître plus sur cette fameuse 82nd Airborne et qui m'a tant parlé de son ami Bob.
J'ignorais totalement que j'allais le retrouver là-bas et c'était vraiment un beau cadeaux.
Emile et moi à LA FIERE après un saut; la boucle est bouclée.
Place à la vidéo (je n'ai pas conservé le film du premier vol d'enfer...
)
https://vimeo.com/69366238La même en son direct
https://vimeo.com/69364419