Operation CALIBAN. Septembre 1944-Septembre 2014

Le 06 septembre dernier, la section belge du groupe « Pathfinder Parachute Group Europe » a organisé un saut de commémoration en Belgique, à PEER, en région flamande.

Bien que PEER se souvienne avec ferveur tous les ans depuis 1944, ce saut de reconstitution était une première et ; en ce qui nous concerne; le tout premier saut de commémoration sur notre sol national.
Inutile de dire que c’était un saut très spécial et émouvant qui restera gravé dans nos mémoires.

PEER est situé au nord-ouest de LIEGE dans une région flamande appelée le « Limbourg », proche de la frontière des Pays-Bas.
La ville la plus proche est BREE.
C’est une très belle région sans relief mais au paysage très varié, entrecoupé de pâtures et de bois, principalement de pinèdes. Le sol de cette région géologique appelée la «Campine » étant majoritairement sablonneux.

Cette petite ville serait à ce jour totalement inconnue si en septembre 1944, deux sticks de parachutistes SAS belges n’y avaient opéré derrière les lignes ennemies.
Située non loin du terrain militaire de Bourg-Léopold et de la base aérienne de Kleine-Brogel, cette zone sera aussi ; quelques jours plus tard ; la base de rassemblement d’où s’élanceront les forces terrestres (Market) de l’opération « Market-Garden ».

Mais revenons au début de Septembre 1944.
Les forces alliées ont maintenant pénétré en profondeur sur le territoire belge et talonnent des forces ennemies en déroute.
Toutefois, l’état major allié craint que les allemands ne reculent que pour mieux se regrouper derrière le canal Albert pour y concentrer des forces et y établir une ligne de résistance solide.
Avant d’aborder cette zone critique, l’Etat-Major veut connaître les intentions de l’ennemi.
Ce sera un boulot sur mesure pour les SAS belges.
L’opération sera baptisée « CALIBAN ».
Avec les opérations « NOAH », « BRUTUS » et BERGBANG », il s’agira de la dernière mission parachutée effectuée par les SAS belges sur leur territoire national, avant d’opérer aux Pays-Bas et au coeur de l'Allemagne.
L’ultime mission sur le territoire belge (non aéroportée) sera la mission de reconnaissance sur jeep baptisée « REGENT » et qui aura lieu dans les Ardennes, dans la région de BURE, durant la terrible bataille des Ardennes en Décembre 44-janvier 45.



CALIBAN est une mission de harcèlement, mais avant tout de renseignement.
La nuit du 05 au 06 septembre 1944 un stick de 14 hommes sous le commandement du Lt Freddy LIMBOSCH est largué au Sud-Ouest du bourg de PEER alors qu’un second stick de 11 SAS sous le commandement du Lt J. GHYS est largué un peu plus au nord ; à MEEUWEN

Le Lt Freddy LIMBOSCH au camp pour volontaires belges de la Joliette; CANADA en 1940



Dès leur arrivée au sol, des patrouilles sont envoyées dans le secteur PEER-GRUITRODE-BREE.
Le secteur semble calme et peu occupé par les troupes ennemies.
Ces nouvelles rassurantes sont immédiatement transmises à LONDRES

Le 07 les SAS sont informés par la résistance que l’avant-garde de la 2nd British Army a établi une tête de pont au-delà du canal Albert. Les alliés s’approchent d’HELCHTEREN

Le 8, les SAS décident de monter une embuscade sur la route d’HELCHTEREN à BREE.
A cette occasion ils constatent avec stupeur qu’au lieu de fuyards se dirigeant vers l’est, ce sont des milliers de SS et de parachutistes qui partent en contre-attaque vers l’Ouest.

Le Lt LIMBOSCH part avec un guide du maquis en direction de LINDE pour obtenir plus de renseignements sur l’ennemi.
En traversant un bois au sud de PEER, ils aperçoivent 2 postes de mitrailleuses ennemies qui leurs barrent la route.
Il leur faut pourtant traverser un champ en plein dans l’axe de tir des mitrailleuses.

Le guide et un premier SAS traversent le champ en bons successifs rapides.
Vient le tour du Lt LIMBOSCH.
Alors qu’il s’élance depuis la lisière du champ, la fusillade éclate.
Le groupe est séparé mais le message sera transmis à temps.
Le corps du Lt LIMBOSCH ne pourra être relevé que le 10 par des civils.
Il sera découvert ; atteint de plusieurs balles ; ses armes à ses côtés ; tous ses chargeurs sont vides !

Ce même 10 septembre, la base des SAS est attaquée.
Les SAS ne font pas le poids et décrochent en bon ordre.
Le Squad du Sgt J. MELSENS est prit à partie par une batterie d’artillerie positionnée au nord de BOCHOLT.
Le Sgt MELSENS est tué par une salve.
Les combats entre les SAS et les allemands feront toutefois une cinquantaine de pertes côté ennemi.

Feuillet mortuaire du Sgt MELSENS



Le 11 septembre, les britanniques s’emparent de PEER et réalisent la jonction avec les parachutistes belges.

Les SAS sont rapatriés vers leur nouvelle base établie à TERVUREN (périphérie de Bruxelles) en attente de nouvelles missions.

Tervuren fin 1944



Défilé du 03 décembre 1944 à Bruxelles



C’est donc pour commémorer cette mission ; absolument inconnue des livres d’histoire, comme tant d’autres ; et en mémoire du Lt LIMBOSCH et du Sgt MELSENS, que nous avons sauté ce 06 septembre 2014 ; 70 ans plus tard.

Le personnage du Lt LIMBOSCH mérite que l’on s’y attarde un peu.
Il était ingénieur agronome au Canada lorsque la guerre éclate en Europe.
Expatrié belge il veut immédiatement rejoindre les troupes combattantes.
Un camp de regroupement pour les volontaires belges est établis à « la Joliette ».

Lt LIMBOSCH 1940
Vous remarquerez sur la manche gauche une feuille d'Erable.
Cet insigne, absolument non réglementaire, date de la traversée du contingent des "belges du canada" vers l'Angleterre, en 1940.
Le Cpt Blondeel; trouvant qu'il fallait aux belges un insigne permettant de les distinguer en Angleterre; décida qu'une feuille d'Erable; symbole du canada; serait assez représentative.
N'ayant rien d'autre à sa disposition, ils arrachèrent le tapis d'un des billards de la salle de jeu du bateau et y découpèrent leur nouvel et très éphémère insigne.
Certains parmi les "anciens de 1940" de ce contingent "canadien" le porteront jusqu'à la fin de la guerre.



L’officier d’artillerie de réserve Eddy BLONDEEL est lui aussi au canada à cette période, mais lui y fait des études de dentisterie.
Celui qui deviendra plus tard le « Captain BLUNT » comme l’appelaient les anglais ; chef des parachutistes SAS belges du 5th Squadron ; rejoint lui aussi « la Joliette ».
Il y devient le chef de la « division belges »; en réalité une trentaine d’hommes; qui rejoint l’Angleterre dès 1940.



Caricature du Cpt Blondeel croquée par le Lt Renkin. Toujours avide de connaissances, le Cpt Blondeel avait la réputation de toujours prendre des notes, dans toutes les situations. Le Lt RENKIN lui a dessiné un crayon et un carnet dans sa main droite.



Cpt Blondeel à l'entraînement en Angleterre. Ils n'avaient pas encore été dotés du casque para.



A partir de ce moment LIMBOSCH et BLONDEEL ne se quitteront plus.
Ensembles ils effectueront le parcours du combattant qui les mènera jusqu’au 5th Squadron belgian SAS.
Autant dire que le Capitaine BLONDEEL sera profondément affecté par la perte de son ami.

Photos de SAS belges à l'entraînement en Angleterre et en Belgique après la libération











Leur première base d'entraînement à Fritz Hill



L'entrée de nos jours



Leur base en Ecosse LOUDOUN Castle



Pour en savoir plus sur les SAS belges, vous trouverez ce sujet sur le forum.

https://carentanlibertygroup.forumgratuit.org/t1967-lepopee-des-sas-belges-et-de-leur-leader-le-cpt-blunt-blondeel-historique-2011

De nos jours le quartier du 1er Bataillon de Parachutistes ( 1 Para) ; établis dans la citadelle de DIEST ; porte le nom de « quartier LIMBOSCH ».



Le bataillon ; aujourd’hui dissout ; (étonnant remerciement du gouvernement pour services rendus !!!!) était le garant des traditions des parachutistes SAS belges.
Les hommes du "1 para" en portaient l’insigne (métallique) et en avaient la devise « Who dares wins » (qui ose gagne)
La citadelle est aujourd’hui déserte et ce sont des bénévoles ; anciens du Bataillon ; qui assurent la gestion du musée SAS,  à leurs frais !!



Place aux photos.

Vendredi soir, veille du saut:

Recce de la drop zone pour les parachutistes.









La DZ se trouve face au monument à la mémoire du Lt F LIMBOSCH.
Il a été tué à 100 mètres derrière le monument à la lisière du pré et du champs de maïs que l'on voit en arrière plan, au niveau de la rangée de chênes.







L'affiche de l’événement



un peu de pliage pour les retardataires









Notre bloc dortoirs.
Nous étions logés dans un centre de loisir et de vacances.



Photo de groupe des parachutistes, de quelques chuteurs et de membres du staff .

Samedi matin,  06 Septembre 2014; le grand jour:

Au levé du jour la région est plongée dans un épais brouillard qui ne se lève que très lentement.
Nous en profitons pour régler et vérifier les équipements, surtout pour nos amis para-commandos, qui font ici connaissance avec le parachute américain T10 MC1-C.





Une délégation de l'UNP (Union Nationale des Parachutistes) de CAEN; avec lesquels nous avons tissé des liens en Normandie; nous a rejoint pour l'occasion, donnant à nouveau à notre groupe une couleur internationale, avec des Belges, des Anglais, des Français et des Hollandais (et Floor notre SOE hollandaise) .



...on attend que le brouillard se lève...





Il était initialement prévu de sauter à 1145 hrs, pendant la cérémonie, mais les prévisions n'annoncent pas de fenêtre météo avant 1300 hrs.
Plutôt que d'attendre bêtement, nous décidons de participer à la cérémonie.

Arrivée improvisée de notre groupe de parachutistes.
Pour l'occasion quelques anciens para-commandos, toujours brevetés, nous ont rejoint pour participer à ce saut.
Ils sont facilement reconnaissables car ils sont vêtus de la tenue smock belge actuelle au lieu de la tenue d'époque.



La cérémonie







La garde de l'étendard du SFG (Special Force Group) Actuels successeurs des SAS de 1944.



Le Commandant du SFG.



Le CO du SFG salue l'étendard.



Une délégation de l'ERM (Ecole Royale Militaire) Équivalant de Saint-Cyr



Le Bourgmestre (Maire) de PEER rend les hommages.



Le doyen de l'amicale para-commando s'adresse au public

Merci Guillaume.
La suite après le repas

merci Serge pour ce récit

Samedi 06 Septembre 2014, 1140 Heures.
Le ciel s'éclairci, mais il devrait se recouvrir en fin d'après-midi. Il ne faut donc pas traîner.
Notre avion; un Antonov II qui vient des Pays-Bas; a reçu le feu vert de la base belge et vient de décoller.

1230 heures; branle-bas !

Heureusement, la base aérienne est à 10' et nous bénéficions pour nos déplacement d'un bus de la Défense.



1300 heures, base aérienne du 10ème Wing tactique de chasse (F16) de Kleine-Brogel (KB)

Le coucou est déjà là. C'est un avion que les "Pathfinders" connaissent bien maintenant.
Il n'est certes pas d'époque (...quoique presque), ni même militaire, mais ils offre sensiblement les mêmes caractéristiques qu'un avion largueur de l'époque et est une bonne alternative au légendaire C47. Il est surtout plus abordable financièrement...
Ce biplan conçu par le constructeur russe ANTONOV en 1947 est équipé d'un moteur Kalisz de 1000 ch et peut voler à une vitesse de croisière de 250 km/h. Il a une portance énorme qui lui permet de voler très lentement et de faire des figures d’acrobatie étonnantes.
Il nous largue à +- 90 km/h, limite décrochage. Ce qui donne des sensations de chute assez particulières .
C'est un chouette zinc qui pue le gazoil  



Les sticks sont formés et s'équipent rapidement.
Les belges seront tous dans les deux premiers sticks et j'ai l'honneur de sortir n°1
La DZ n'est pas très grande; les sticks seront donc petits (3 à 4 hommes à chaque passage)
Les conditions sont très bonnes, le vent très correct.



Leur premier saut d'avion depuis qu'ils ont quitté l'armée.
Lorsqu'ils quittent le Régiment, les para-commandos belges ont le droit, s'ils le désirent, d'effectuer 4 sauts par an au centre d'entraînement des parachutistes de SCHAFFEN et ainsi conserver leur qualification.
Par contre ils ne peuvent effectuer ces sauts que depuis le ballon captif qui sert pour les premiers sauts d'instruction.
L'âge limite est 50 ans.
Pour Serge et Fredje, ici sur la photo, c'est donc un premier saut d'avion après plusieurs années, et avec un parachute qu'ils ne connaissent pas encore.









Sur la drop zone, le comité d'accueil est prêt, ainsi que le très sympatique public.







Les deux premiers sticks embarquent.



L'intérieur de l'avion





Et...Rob; notre pilote un peu fou Vous comprenez pourquoi nous sommes si pressés de quitter cet avion
Clin d'oeil et merci à Rob au passage  

Après un vol d'approche un peu long en raison d'une erreur de navigation, nous voilà au-dessus de la DZ.
Le largueur nous prévient, nous sommes à la limite minimum d'altitude, le plafond ne s'est pas encore totalement relevé.
Je réalise et je savoure pleinement le moment que je suis en train de vivre.
Les rigolades et la déconnades s'arrêtent.
On se serre tous la main et on pense avec fierté à nos anciens.
Le premier stick reçoit l'ordre de se lever. Tout va très vite.

Airborne !!





Du ciel la DZ parait assez petite, mais il y a de nombreuses zones de dégagement.
A peine le temps d'apporter quelques corrections et je m'apprête déjà à atterrir.













Mes deux compagnons de stick ont moins de chance. Ils loupent de peu la DZ, évitent le public, et vont se poser dans le maïs.







En l'air le second stick est déjà sorti !





Et les 6 largages vont se succéder en trois rotations.





L'équipe au sol veille au grain.















Notre représentante SOE féminine; Floor; vient de se poser et est déjà occupée à retrouver l'apparence d'une femme ordinaire.



Une dernière touche à sa métamorphose à l'écart de la DZ.



Ce Français a eu un peu de mal à manoeuvrer son MC1-C et dépasse la DZ.
C'est à la lisière gauche de ce pré que le Lt LIMBOSCH a trouvé la mort.
Notre camarade a plus de chance, il s'en sort indemne.

Les sticks se regoupent au sol et partagent quelques moments avec le public venu nombreux.
L'occasion aussi de faire quelques photos.







Nous comptions aussi un américain parmi nous; le très sympathique David DE SOUCY.
Cet ancien béret vert, vétéran de la geurre du Vietnam, est un habitué des sauts de commémorations













Le vétéran SAS belge Jaak DAEMEN nous avait fait l'honneur de sa présence sur la drop zone.
Ici avec quelques membres de sa famille.
Jaak n'a pas participé à l'opération CALIBAN mais bien à toutes celles qui ont suivi.





Le fils d'un autre SAS nous avait également fait l'honneur de sa présence, Mr Arnould D'oultremont.(en blaser bleu)
Son père, le Sgt Georges D'Oultremont n'avait pas participé à l'opération CALIBAN mais bien à l'opération NOAH en Aout 44.
Il sera légèrement blessé par un éclat d'obus à BURE le 31/12/1944 au cours de l'opération "REGENT".



Dernière photo de groupe.



Enfin, moment de rigolade, les para-commandos belges; pas encore très familiers avec le parachute US; et qui ont atterrit dans le maïs viennent d'être adoubés de "l'Ordre du Maïs"



La journée aurait du se clôturer par un largage de chuteurs à haute altitude, mais cela a du être annulé en raison de la couverture nuageuse trop basse.
Ce fut le seul regret de cette journée fantastique.

Pour terminer en beauté; mon reportage vidéo complet.

Les musiques sont:

pour la première partie: la marche des parachutistes belges. C'est la musique qui accompagne tous les défilés des bataillons du Régiment para-commando.
Pour la seconde partie: "Highland Cathedrals"; marche Écossaise symbolisant le lien indéfectible qui uni les SAS belges; et leurs descendants actuels;à l'Ecosse, ou ils sont nés.

https://vimeo.com/107512705

Merci Serge et bravo

Avec plaisir

Superbe et excellent report! bravo à vous tous serge!

Super reportage, et bravo

super Serge

merci pour les photos et les vidéos.

Avec plaisir mon bon Duc

mc los a écrit:

Avec plaisir mon bon Duc

Rien à voir avec le parachutisme, je vais voir pour faire mon deuxième voyage en ULM