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| Sujet: Feuilleton : ITW de 1st Lt Joseph V De Masi, 82nd Recon platoon Mer 7 Nov 2012 - 21:37 | |
| - gennaker a écrit:
- Voici un ITW brut de décoffrage du 1st Lt Jo De Masi, un "taulier" qui a vécu toute l'odyssée du 505 Parachute Infantry depuis Benning en 1942 jusqu'à la fin de la guerre en Allemagne, où il occupera un poste de commandement au sein du recon platoon, HQ de la 82nd Airborne
Chaque division avait un "recon platoon" durant la seconde guerre mondiale ; La 82nd Airborne ne faisait pas exception. La mission du reconnaissance platoon était de rassembler des informations sur l'ennemi par tous les moyens. Parfois, il leur était demandé d'attirer le feu ennemi pour en découvrir sa position... Un recon platoon était équipé de jeeps armées de . 50 cal.
Q : Votre premier grand voyage était la Géorgie pour intégrer la Parachute School? Jo De Masi : Exact. C'était la toute première fois que j'allais dans le Sud. La première fois.
Qu'avez vous pensé du Sud?
JD : Et bien, je me suis dit que la guerre de Sécesion n'était pas totalement terminée.... Les mecs du Sud, et bien.... en fait, les mecs avec qui je m'entendais bien et tout ça, c'était les gars du Michigan, Wisconsin, Minnesota.. putain ces mecs! tu disais "Minnesota" et ils étaient tous tes potes. Ils étaient super! Les mecs du Sud se méfiaient de nous.. et puis ils avaient cet accent!!! Dès qu'on les entendait approcher avec cet accent trainant, on avait tendance à se détourner...
Q :Vous êtes arrivé après avoir suivi le ROTC training (Reserve Officers' Training Corps ndlr)... vous avez rerçu une commission après cela?
JD :Oui, tout à fait, j'ai été gradé.
A quelle date êtes vous arrivé à Fort Benning?
JD :Le 5 juin, exactement... l'armée ne perd pas de temps!
Q :Puis vous avez suivi le "advanced training" à Benning? JD: On est d'abord allé au "heavy weapons school" vous voyez. On a fait Infantry ET heavy weapons school ; on a été diplômé ça et là et Boum! parachute school. Là encore, diplômé et on a intégré le 505. La première école durait trois mois... l'autre aussi d'ailleurs.... Donc, juin, juillet, aout... et en septembre on a commencé l'entrainement parachutiste.
Q :Est ce que l'entrainement reçu au ROTC vous a aidé? JD: Ouais! c'était utile, c'était très bien. Les cours étaient bien et les profs "gung ho" (lit. "va t'en guerre. ndlr) C'est possible qu'il y avait le bordel en Europe. Churchill était aux affaires, et on savait que de gros nuages noirs nous arrivaient sur la gueule. C'était cela n'est ce pas? Mais les gars à l'armée étaient consciencieux, ils bossaient bien en cours. Ce sont eux qui sont devenus nos officiers. Tu commences comme un freshman (appellation US pour première année ndlr), puis sophomore (2ème anée), Junior et enfin senior, et là tu deviens l'officier qui va former les freshmen... Et tu dois bosser avec eux. Tout le monde faisait son boulot et ça déconnait pas. Rien de tout cela. Gung HO!! Et on a reçu nos uniformes et tout le bazar... Q : Ralph Schmid se rappele d'un officier de ROTC, Mortar Malone... vous vous en souvenez? JD: Non. Je ne me souviens plus d'aucun d'entre eux car ils faisaient bien leur boulot et c'est tout. Vous voyez? Ils faisaient bien leur boulot et se conduisaoient de manière cohérente. Si l'un d'entre eux marchait de travers, il aurait été repéré comme un mouton noir. Je ne sais pas. On était volontaire, ce qui ne veut pas dire qu'on était sélectionné. Donc, on les surveillait de près. KP: Et à propos de "l'advanced Infantry School? était ce dur? JD: Ah ouais! ils tirent à balles réelles au dessus de votre tête en vous faisant ramper sur le sol... - gennaker a écrit:
- Suite....
Q :Et vos instructeurs? JD: Et bien, la plupart des instructeurs étaient du personnel de l'armée régulière ; c'était des sergents qui étaient beaucoup plus vieux que nous, nous on avait 20, 21 ans, et eux, la plupart, avait déjà la trentaine. A cette époque, 10 ans! Mon Dieu! c'était presque une génération de différence. Alors on les respecctait en tant que professionnels et ils faisaient leur boulot très professionnellement. Ils étaient bons, ça, je peux l'affirmer. Ils étaient tous très bons.... Q :Avez vous été désigné ou étiez vous volontaire pour "heavy weapons"? JD: Quand vous êtes dans l'infanterie, et notre formation ROTC était Infantry, il vous faut connaitre à fond vos "heavy weapons" aussi bien que votre fusil. Les "heavy weapons" entrent dans la catégorie de l'artillerie légère, la petite artillerie. Il s'agit des fusils principalement, de différents calibres, et la mitrailleuse cal. 50. C'est ce que j'avais monté sur ma jeep, une mitrailleuse de calibre 50, car c'est ainsi qu'on effectuait nos reconnaissances, mais on en parlera plus tard....
Q :Puis vous êtes allé à l'école des parachutistes... JD: A partir de là, oui. D'une école à l'autre. J'ai été un étudiant toute ma vie....
Q :A quoi a ressemblé votre premier saut? JD: Et bien je vais vous dire. Gardez bien cela à l'esprit ; C'est la mort ... avant le déshonneur, voilà ce que c'est! J'ai fait toute la guerre comme cela. C'est la mort avant le déshonneur, si tu ne le fais pas. Tu te dis : "Hey, d'autres l'ont fait et les parachutes se sont ouverts. Pourquoi cela ne marcherait il pas pour moi? Alors on l'a fait, et c'est tout."
Q :Avez vous jamais vu quelqu'un dont le parachute ne s'est pas ouvert? JD: Oui, oh que oui! Il s'est emmêlé les suspentes. Et ceux qui s'emmêlaient ainsi.... Pour vous dire, cependant, nous devions plier nos propres parachutes ; on pliait le parachute avec lequel on devait sauter. On les pliait, re dépliait et ainsi de suite... Et puis il y a eu ce jumpmaster qui nous a dit une fois : "Et bien les mecs, vous bossez bien et vous aurez bientôt l'occasion de faire votre premier saut. Alors vous allez m'observer sauter, pour que je vous montre comment ça se passe. J'ai besoin de deux d'entre vous. " Il y avait un parachute à nos pieds. Il a dit : "Sortez le n'importe comment, faites en un tas n'importe comment..." Et il l'a embobiné avec les suspentes, n'importe comment. Il portait ça comme un sac de linge sale. "Okay" a t'il dit. Il s'est assis, a mis le parachute sur son dos, et il a déclaré : "Okay, j'y vais à présent..." Il a emmené 4 ou 5 gars avec lui pour prouver qu'il n'avait pas changé de parachute en chemin... il a sauté, et nous on regardait, et il a atterri nickel comme une fleur. Il a dit : "Vous voyez... vous vous emmerdez à tout plier bien comme il faut et tout et tout...." Je n'oublierai jamais cela aussi longtemps que je vis..."
TO BE CONTINUED... - gennaker a écrit:
- Q :Est ce que vous avez tout jeté dans le sac ou est ce que vous avez continué à bien plier?
JD: Oh Mon Dieu! J'ai tout plié impec! Car, quand vous commencez à compter "three thousand..." et que le parachute ne s'est pas ouvert, il ne vous reste plus qu'à déclencher l'autre. On sautait à 7 ou 800 pieds (240 mètres) et on comptait "one thousand... two thousand..." Et woof! le parachute s'ouvrait au dessus de votre tête. L'avion volait à environ 100 ou 120 mph (160-180 km/h), alors avec les hélices et tout le bazar, au moment du saut, le vent s'engouffre et le parachute se gonfle briutalement au dessus de votre tête. Et s'il ne s'ouvre pas, il vous reste le reserve chute. Ce qui se passe souvent, c'est que les gars, au moment d'accrocher la static line, ils ne s'accrochent pas. L'appréhension, la tension ou n'importe quoi obscure leur esprit et on en a trouvé qui ne s'était pas accroché. Ils ont sauté et ils ont été paralysé et n'ont pas décleché le parachute de secours, et ils sont tombés comme des pierres.
Q :Avez vous vu des accidents à l'entrainement, des gens dont le parachute ne s'est pas ouvert? JD: Oh oui! tu parles! Et j'en ai vu deux qui ont sauté trop près l'un de l'autre et qui se sont trouvés emmêlés... Vous voyez, dès qu'un gars saute, le suivant le suit de très près. Souvent, les mecs sautent trop vite et le parachute s'ouvre par dessus celui de son prédécesseur jusqu'à le couvrir complètement. Les deux gars s'emmêlent et tombent ensemble. Alors ils ouvrent leur parachute de secours et c'est pire car tout s'emmêle encore plus. Parfois ils survivent, parfois ils sont gravement blessés. En Afrique du Nord, on a fait des essais avec un âne, parce qu'on voulait utiliser des mules en Sicile, alors on a tenté de faire sauter un âne. On a choppé un de ces gentils "burros"! on ne les appelle pas "âne" mais "burros". On lui a mis un harnais et on l'a poussé hors de l'avion! Il s'est cassé toutes les pattes! Alors, qu'est ce qu'on fait d'un burros avec quatre pattes cassées? Ben c'est très simple, on a fait entrainement à la bayonette. Vous savez ce que c'est que l'entrainement à la bayonette?? Ben, au lieu de planter une meule de paille, .. et bien tous les gars ont dû planter le corps du "burro", pour sentir ce que c'était de planter dans de la chair... on fait ça avant la Sicile...
C'est le Major Mark Alexander, XO 2/505 qui a eu cette idée, pensant sérieusement que l'utilisation d'ânes seraient primordiale pour le transport des armes lourdes et des munitions sur le terrain montagneux et difficile de la Sicile. Il a donc fait acheter deux ânes, et avec la complicité de Tommy Thompson, XO du 64th TTG, ils ont entrepris d'embarquer un des deux ânes yeux bandés dans un C 47 ; l' âne a failli tout détruire tant l'idée lui déplaisait. L'avion a décollé et l'âne s'est couché, refusant de bouger. Il a fallu 4 hommes pour pousser et tirer l'animal vers la porte. Dans la mêlé, trois hommes dont Alexander se sont trouvés expulsés de l'avion en même temps que l'âne. Heureusement, ils avaient accroché leurs static line. L'âne ayant choisi d'atterrir les jambes tendues, s'est cassé 3 pattes. Alexander a déclaré l'idée mauvaise. Le capitaine Paul Wollslayer, operation officer du bataillon, a fait abattre le pauvre animal, et a décidé que sa carcasse servirait à quelque chose ; il l'a fait attacher tête en bas près des latrines, et le lendemain, la plupart du bataillon dut, sous la direction de Woolslayer, s'entrainer à la bayonette sur le corps de l'animal. Au bout de 10 coups, le ventre de l'âne s'est ouvert... au bout de 100, l'âne était méconnaissable et des milliers de mouches en ont pris possession... Alexander n'a pas apprécié, et cette histoire constituera une page supplémentaire au dossier d'Alexander contre Woolslayer... ndlr - gennaker a écrit:
- "... Q :Comment s'est passé votre arrivée au 505?
JD : "Tout de suite après Jump school... Ouais! dès qu'on a reçu nos "wings"! General Gavin n'était que Major à l'époque. Quand je suis arrivé. La parachute school en était au tout début, cet été là... on commençait seulement à former des parachutistes... Le 505 était une toute nouvelle unité. La plupart des officiers formés avec moi au "heavy weapons" ont été disséminés dans tous les régiments. Mais il y avait très peu d'universitaires comme moi chez les parachutistes. Les seules mecs avec une formation universitaire que j'ai rentrés étaient des gars de West Point. Je n'ai jamais vu personne de New York University ou de Syracuse ou de quelconque autre Université. Donc tout le monde me considérait comme un mec supérieur.... Les troopers, ils me disaient, "Hey, College kid!" (College = Université en américain ndlr).. C'est comme ça que j'ai eu le job avec Colonel Jack (Whitfield Jack, 82nd G-2 ndlr) ; C'était un avocat. Il était notre G-2 de la division, c'est à dire chargé de "l'intelligence", l'information. Quand il a regardé qui il pouvait bien prendre avec lui, il a dit : "Jo, tu as reçu une formation universitaire, tu es un mec bien, tu as été blessé en Sicile...." J'ai dit "Yeah! yeah!".. "Tu as eu la Bronze Star? C'est super!" dit il. "Tu veux bosser avec moi?" J'ai dit OK... il n'y avait aucun autre mec qui avait fait l'université, "Je suis de Michigan University ou de tel le ou telle université..." Personne. Ils étaient tous des GI's qui était au "Officer's training school" et puis c'est tout... Je vous parle de 1942... maintenant, les choses sont différentes... mais à l'époque, tout n'en était qu'aux prémices...
Q : Dans quelle unité étiez vous au départ? JD: J'étais Company C, 1st Battalion 505 Parachute Infantry. Il y avait 4 platoons par compagnie, et 4 squads par platoon. Un squad, c'était 12 hommes. 48 hommes constituaient un platoon. Et il y avait un platoon leader et un assistant platoon leader. Un First lieutenant était platoon leader et l'assistant était second lieutenant. C'était mon premier boulot, assistant platoon leader du second platoon, C Company.
On a poursuivit un entrainement très rigoureux, avec un programme chargé que nous suivions tous ensemble. Gosh! avant le petit dej, on avait déjà couru 3 miles (près de 8km ndlr) 8 bornes avant de manger! Il y a un truc que je n'aimais pas, c'était de checker les pieds des mecs après chaque marche. On marchait beaucoup, 10 ou 15 miles par jour ( 16 ou 24 km ndlr). Les hommes devaient enlever leurs bottes et avant de prendre une douche, chaque trooper enlevait ses bottes ; Un paratrooper est le seul à pouvoir porter des bottes voyez vous.... Mais on devait examiner leurs pieds car s'ils avaient des ampoules ou des trucs comme cela, et qu'on ne les soignait pas tout de suite... on perdait le gars. Mais je n'aimais pas faire cela. J'ai dit : "Puis je avoir un sergent?" Mais les sergents ne voulaient pas s'en occuper. "Vous êtes officier, vous êtes responsable de vos hommes, et si vos hommes ne peuvent plus marcher parce qu'ils ont mal aux pieds, et que l'on constate que vous n'avez pas pris soin d'eux, vous êtes responsable. Donnez leur des pansements et soignez les comme il faut... Le soldat doit pouvoir marcher tous les jours. Sans ses pieds, il n'ira nulle part..." - gennaker a écrit:
- Merci Pascal...
Here it goes....
Q ; "Quels souvenirs gardez vous des hommes de C Company? JD: Et bien je me souviens de sergeant Stubbins. Je ne peux pas l'oublier. Il est décédé voici 4 ou 5 ans. Ce dont on se souvient le plus c'est au combat. On se souvient des gars qui allaient chercher les copains blessés, qui mettaient vraiment leurs coui...es sur la table pour sauver les potes. On avait un indien dans la compagnie appelé Adams. Il a eu la DSC. Il aurait dû recevoir la Medal of Honor. On a atterri en Normandie et on était collé au sol par des tirs de mitrailleuses. Il a fait un détour et il a dégommé cette mitrailleuse tout seul. Oui, tout seul. Il a fait cela et plus. L'arme la plus redoutable de la seconde guerre mondiale était le 88 allemand. Ils pouvaient vous arracher un oeil à 2 km de distance, tellement ce truc était précis. On a tous appris en Sicile à manipuler un 88 et mon pote, en Normandie, il a utilisé les 88!! Ce Adams, il a pris un 88 et l'a retourné contre les tanks allemands! Il en a dégommé un ou deux à lui tout seul. Il a été blessé, et je pensais qu'il méritait la Medal of Honor alors j'ai écrit une lettre de recommandation. Et le capitaine, et le major et beaucoup de personnes ont écrit une lettre mais ils lui ont donné la DSC parce qu'ils se disaient : "OUi, les Airborne, ça fait partie de votre boulot! Et bien les gars! vous avez fait du bon boulot et quoi d'autre??" Alors on était toujours minimisés. Tu vois, toutes les autres unités te racontent "On était encerclés, on était piégés et ceci, et cela...." Mais nous bord.l, on était continuellement encerclé en sautant derrière les lignes ennemis... tout le temps!
Q :Parlez nous de vos sauts derrière les lignes ennemis...
JD : Ah oui! Tous nos sauts étaient de nuit, à part en Hollande. La Hollande était notre seul saut un dimanche après midi. Bon, revenons à la Sicile. Alors devant nous, on pouvait voir, en approchant de la Sicile, on voyait tous les départs de feu... j'étais à la porte et j'ai vu nos avions tomber en flamme...Car nous les officiers, on se tenait dans l'embrasure de la porte. C'était moi le gars qui dit "Stand up and hook up"...J'étais aussi le premier dehors, le premeir à sauter. Donc je voyais tout ce qui se passait. On n'avait pas encore d'officiers de liaison de la Navy, et on avait la trouille de se faire descendre par nos propres Navy... (ce qui est arrivé le lendemain au 504 PIR ndlr) Mais en Sicile, on a dérivé des milles et des milles dans le nord de notre DZ. On nous donné le feu vert, , ce qui voulait dire qu'on était au dessus de la terre ferme. Stand up, hook up et nous voilà partis. Put....! tu entends des cris.... Et devine où on atterri? dans un vignoble... Tu vois, les vignobles avec des poteaux bien pointus??? beaucoup de gars se sont empalés dessus. Mon Dieu! je dois te dire.... J'ai eu de la chance... je suis tombé pile entre deux de ces pointes! Quand tu sautes en parachute, tu préfererais sauter du troisième étage... plutot que de sauter en parachute! Quand tu atterris, c'est du brutal! On devait tous peser 150 livres (70 kg) à l'origine, mais j'en pesais plus de 85 au moment du saut... Ils nous ont fait signer un papier, comme une décharge... j'ai dit "okay" et j'ai signé.... 15 kg de trop? c'est rien! Mais à l'arrivée, tu atterris comme un sac de patates! En Afrique, quand on sautait en Afrique, avec la chaleur du désert et tout le reste, à l'attérrissage, tu y croyais pas!! C'était comme si tu marchais sur l'air... tu atterrissais sur tes deux pieds... mais en Sicile, comme aux States! "Pouf". Enfin, ce qui était intéressant dans un saut de nuit, c'est que tu ne voyais pas où tu alais toucher terre....
Q :Comment s'est passé le départ des States pour l'Afrique du Nord? JD : On a rejoint Casablanca, on est monté dans des wagons, "forty and eights". C'était marqué dessus, 40 hommes ou 8 chevaux, 40x8!! On a voyagé là dedans mais on n'avait pas complètement foutu Rommel hors d'AFrique à ce moment là. Il était encore dans le coin et on risquait le mitraillage par la luftwaffe. De temps en temps, le train s'arrêtait, et on sortait précipitamment à attendre la fin du mitraillage... puis on repartait. C'était notre premier contact avec des tirs hostiles. On n'avait pas peur ; on demandait ; "Tu as été touché? et toi?" Et c'était tout. Mais on ne pouvait pas riposter. On avait des avions à nous, mais c'était des P-38, à double empennages, et les Messerchmid étaient meilleurs... peut être parce que les pilotes allemands avaient plus d'expériences... C'est à peu près la seule action qu'on a connu en Afrique du Nord... le reste, c'était l'entrainement. J'étais pote avec pas mal de pilotes de nos Troop Carrier. Rappelez vous, j'étais un "college kid", et la plupart des pilotes étaient eux aussi allés à l'Université. Alors, on était pote. On parlait de tout et de rien. Ils me disaient : "Jo, on va à Casablanca tel ou tel jour, tu viens?" "Pour quoi faire " répondais je... ""pour acheter du Whisky! Un dollar la bouteille Joe!!" J'ai dit : "Tu parles que je viens!!" J'ai collecté tout le pognon de mes gars, et on est parti. On a acheté 15 caisses de scotch. Bon, c'était du scotch anglais vous voyez... Les anglais avaient des réserves. On a atterri, acheté le scotch, fait demi tour et on est reparti aussi sec. Put...! j'étais le héros de la 82nd Airborne. J'ai dit aux pilotes : "Vous les pilotes, vous savez vivre..." - gennaker a écrit:
- JD : "Puis vint la Sicile... On a beaucoup étudié cette affaire depuis l'Afrique du Nord... les gars me parlaient beaucoup car ils savaient que je parlais italien... Notre compagnie devait prendre une colline à la sortie de Gela, et la tenir jusqu'à ce que la 45th division nous rejoigne. On était plus de 14 km à l'intérieur des terres mais on pensait, qu'avec tout le soutien des gros canons de la Navy, la 45th pourrait nous rejoindre rapidement. En fait, il leur a fallu 3 jours pour nous retrouver. La bonne chose dans cette aventure, c'est que les italiens ne se faisaient pas prier pour se rendre. On avait pas mal de gars d'origine italienne dans la 82nd Airborne, et dès qu'on voyait des italiens, on leur demandait de se rendre en italien ; ils ne se faisaient jamais prier. Leur tête n'était plus à la guerre. Leur problème était : "vais je me faire tirer dans le dos par les allemands ou par devant par les américains." Ils regardaient derrière eux, et comme il n'y avait personne, ils se rendaient aux américains. Moi, j'ai été blessé le deuxième jour. On m'a tiré dessus. Un char m'a tiré dessus. Une balle dans le bras, et une balle dans la jambe. Le char s'est approché alors on a sorti le bazooka. Il a tué un des gars. J'ai pris le bazooka, j'ai tiré et il a riposté ; c'est comme ça que j'ai été blessé. Un autre gars à nous était dans un fossé de l'autre côté de la route, et il a eu le tank. Vous voyez, quand on fait face à un char, même avec un bazooka, c'est difficile car il a ses mitrailleuses contre l'infanterie... Il faut l'appui d'un autre char ou d'un canon anti char... Le sergent m'a tiré à l'abri d'un fossé qui passait sous la route où se déroulait les combats. A l'abri je rechargeais les armes que les gars me passaient. Au bout d'un moment, ils m'ont mis un garrot pour arrêter l'effusion de sang. A la nuit tombée, le combat a cessé et c'est le lendemain que la 45th est arrivée. J'ai été évacué..."
...Pour les Airborne, si vous étiez blessé, il fallait attendre d'être relevé.. pas moyen d'être évacué... je me rappelle ce gars pendant que j'étais dans le fossé... il ne pouvait plus voir... le tank, avec son gros canon, avait tiré sur lui presque à bout portant... oui, il l'avait raté mais le coup avait déclenché une telle levée de poussière... il était aveugle! Je l'ai pris par le bras et je l'ai tiré à couvert dans mon fossé. Je lui ai dit : "Prend ton temps, respire.... quand ta vue reviendra, tu pourras sortir..." Alors on cherchait toujours du regard des trous ou toute sorte de dépression du terrain... car on n'a pas toujours le temps de creuser un foxhole.... On était entrainé à cela, que ce soit un fossé ou même un ruisseau... tout ce qui peut vous sauver d'un tir direct... Saute là dedans, saute dans ton trou!! Le manque de communication était terrible en Sicile. Même les platoon leaders n'avaient pas de radio.... je n'ai pas vu mon commandant de compagnie en Sicile... vous voyez, on était isolé, et en danger d'être éliminé, mais pas un para n'a jamais baissé les bras... beaucoup ont été tués, quelques uns ont été torturés.... Ca, on n'a pas aimé... il y a eu des atrocités de commises. Je ne les ai pas vu, mais j'en ai entendu parler des gorges tranchées, des trucs comme ça... ils ne faisaient pas de prisonniers, pas un paratrooper... voyez ce que je veux dire... sur 160 hommes de C Company, on a eu 20 tués et une trentaine de blessés.... quand à mon platoon, on était tellement dispérsé que je ne l'ai revu qu'à notre retour en Afrique.... on a eu trois tués et 7 ou 8 blessés dont moi. On était entrainé à commander les hommes quels qu'ils soient, même ceux d'autres unités... le plus haut gradé prend le commandement et les autres suivent... pas de temps à perdre... En Afrique, à Oujda, on m'a emmené dans un hopital de campagne, et c'était chouette... pour la première fois, je revoyais une américaine depuis octobre! (on est en juillet 43 ndlr) Oh Mon Dieu! Toutes ces jolies nurses et moi, un officier... et elles avaient aussi des officiers.... dans une zone séparée des hommes de troupes. Elles m'ont gardé un peu plus longtemps en disant : "Il va vraiment mal..." Moi je disais : "Mon Dieu, c'est génial, c'est génial!" C'est la seule chance que j'ai eue... Mais tout était sous tensions ; elles avaient la pression, tout le temps.... - gennaker a écrit:
- Q : De parents italiens, vous avez servi d'interprèet à Gavin en Italie ; qu'est ce qui vous plaisait chez General Gavin...?
JD : Et bien Gavin, il a commencé par être éduqué dans un orphelinat... Pas de parents! Il a commencé à travailler très jeune, puis il s'est dit : "et pourquoi pas l'armée? Et à cette éépoque, à l'armée, ils n'envoyaient qu'un petit nombre de GI à West point. Il y avait un examen écrit. Peut être 8 ou 10 par an étaient envoyés à West Point. Ils faisaient partis de l"Armée et s'élevaient comme cela... Gavin était l'un d'entre eux.... Il n'avait ni frère, ni soeur, ni père, ni mère... Voilà un type totalement dédié au Airborne. Il est mort, il y a peu de temps... (ITW date de 1995). Il ETAIT Airborne. C'était un officier et un homme. Un vrai. Il y avait quelques West Pointers dans le régiment, mais la plupart des officiers venaient du rang. Beaucoup de "battlefield promotions".. En Normandie, des sergents sont devenus lieutenants...juste comme ça!
Q : Après l'Italie, ce fut l'Irlande... JD ; Ouais! j'ai adoré l'Irlande. (Le 505 PIR est arrivé à Belfast en provenance d'Italie à bord du USS Funston le 9 décembre 1943 ndlr) Vous savez ce qui était génial? On se levait le matin et on avait ce gros poële sur lequel on faisait cuire des steaks... il suffisait de jeter le steak sur le poële pour le petit déjeuner. Un poële rougit à fond. et vous cuisiez votre steak comme vous aviez envie! Alors vous vous dites ; "L'Angleterre n'avait pas de viande!!? ni beurre ni rien!! Tout venait d'Irlande! Mais c'était comme vouloir partager un oeuf avec 6 personnes! Laisse tomber et ne partage pas l'oeuf!! Donc toute la bouffe était en Irlande du Nord. En d'autres termes, ils n'exportaient rien. Donc on bouffait toute cette viande et d'autres trucs encore. Ce n'est pas que nos dirigeants ne nous donnaient pas à bouffer. Mais on descendait au magasin et on achetait ce qu'on voulait. C'était l'hiver et on laissait tout à l'extérieur de notre baraquement. On attrapait les steaks et on les balaçaient sur le poële... je me souviens bien.... Et il y avait les Pubs!! on buvait des "Half and half" (demi pintes). Vous connaissez l'histoire?? ces jokers compètement bourrés qui se présentent devant un pub... mais après 11 heures du soir, tout est fermé. Alors ils foutent le boxon et ils cognent contre la porte en gueulant, "ouvrez, on veut des Half and half, des half and half!!" Le tavernier ouvre sa fenètre et leur balance le contenu du pot de chambre sur la tête en disant ; "Tenez, half est de moi, l'autre "half" est de ma femme..."
En Irlande, on a repris l'entrainement... beaucoup de tirs! Au "Recon platoon", on faisait des trucs différents ; On avait la jeep avec la grosse .50 cal, et on marchait un peu moins. On sillonnait la campagne et on repérait les emplacements de mitrailleuses. on cherchait à identifier les endroits les plus susceptibles de dissimuler un ennemi.. et plus tard en Belgique, on servait d'appât... on avançait avec la jeep vers les spots qui nous paraissaient susceptibles de cacher un canon ou une mg 42... on balançait quelques balles de calibre 50 dedans, et si ça répondait, on appelait l'artillerie ou l'Air Corps...."
James Maurice Gavin est né le 22 mars 1907 à Brooklyn, New York d'une mère Irlandaise (Kathy Ryan) à peine débarquée de son Irlande natale. Quelques mois plus tard, elle doit, poussée par les circonstances, confier son enfant à un orphelinat. A l'âge de deux ans, le bébé est adopté par la famille Gavin de Mount Carmel en Pennsylvanie. A l'âge de 10 ans, et malgré ses bons résultats scolaires, le jeune Gavin doit travailler pour aider sa famille d'adoption. Il multiplie les petits boulots pour ramener quelques dollars à la maison. A 17 ans, il quitte définitivement son foyer d'adoption et s'engage dans l'armée. Il enverra alors régulièrement la moitié de ses 23 dollars mensuels à ses parents adoptifs. NDLR - gennaker a écrit:
- "...Objectif Ste Mère Eglise....
J'ai atterri à environ 1,5 km dans le nord de Ste Mère. Je ne pouvais croire la taille de ces champs! C'était vraiment de tout petits champs. On est habitué aux States à des champs immenses, 30 hectares ou plus... Là, les champs ne faisaient pas 5 ha. De toutes petites surfaces. Avec des clôtures tout autour. Comment nos planeurs allaient ils pouvoir atterrir??? sur les arbres??? Ceci dit, je ne connais pas d'exemples d'atterrissages de gliders où il n'y pas eu de blessés, beaucoup de blessés. Et des morts. A l'aube, on a pu rassembler pas mal de gars. En deux heures toute notre unité était rassemblée. Ce qui était super c'est qu'on ne nous tirait pas dessus comme en Sicile. Les Air Corps ont fait un super boulot!! Le saut était parfait, et en quelques minutes, il n'y avait plus un avion en l'air.
On est resté en pointe au nord de Ste Mère. On tirait sur tout ce qui approchait. On protégeait un corridor, une route au nord de Ste Mère. On a récupéré nos véhicules dans les gliders, avec des radios cette fois. Je me souviens que Gavin a utilisé notre radio pour appeler Ike, ce devait être J+2. On a pas pigé un traitre mot car tout ce qu'il disait était codé!! En deux jours, on a nettoyé les environs de Ste Mère. Et on s'est battu dans ces fossés et dans ces haies, 28 ou 30 jours je crois... (33 jours ndlr).. puis Patton est arrivé, Et on est parti pour St Lô... On a percé à St Lô et ils nous ont renvoyé en Angleterre. On était 80 au recon platoon ; on a perdu un officier, 8 tués et une quinzaine de blessés. Et puis on a failli repartir, et les missions étaient annulées... nos boys fonçaient en France et les allemands couraient comme des lapins... On avait capturé beaucoup d'officiers allemands... ils parlaient anglais.. Ils nous disaient : "Vous n'avez rien vu tant que vous n'avez pas combattu les russes." Ils nous racontaient comment leurs mitrailleurs sur le front russe tiraient et tiraient et descendaient tous ces russes qui continuaient d'arriver par vagues en marchant sur les corps de leurs camarades... des corps partout et ils tiraient jusqu'à ce que le canon des mitrailleuses soient brûlant et arrêtent de tirer. Les canons se tordaient et il fallait tirer encore sur les russes qui arrivaient sans cesse.
Sur l'Elbe, Gavin m'a donné un interprète et m'a envoyé au devant des russes. Sur chaque tank, il y avait une femme. Elles étaient commandant de tank ou radio. Elles avaient des jupes, pas de pantalons... On était avec ces russes sur l'Elbe et soudain, il y a eu cette femme allemande qui passe ; elle est enceinte et ce soldat russe lui donne un coup de pied en plein dans le ventre... la femme tombe et meurt.. juste comme ça!! J'ai gueulé sur le mec" Puta..n ! qu'est ce que tu fous" et l'interprète arrive et me dit que les allemands ont fait ça en Russie. C'était incroyable! Puis ils ont fait demi tour et on ratiboisé une maison... juste comme cela..... ils étaient durs! tous les allemands se rendaient. ils voulaient se rendre aux américains!!! les russes les prenaient et brrrrrr : ils les mitraillaient....
Voilà... la fin de la guerre est arrivée... j'avais le maximum de points pour rentrer.. j'ai pris un avion et je suis rentré aux States, à Fort Dix... je suis retourné à Rutgers University, et j'ai fait Law school..."
Transcrit d'après un enregistrement sonore, d'où les approximations grammaticales... | |
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