Comme tous les ans, le
Parachute Regiment s'est rendu sur les lieux des combats des hommes de la 6th Airborne Division dans nos Ardennes, à BURE, ce 23 Mars 2013.
L'âge des vétérans étant ce qu'il est, la date anniversaire du 03 janvier a été abandonnée et substituée par le mois de Mars dont la météo est sensée être plus clémente.
C'était sans compter avec cet hivers qui s'accroche à nos vertes campagnes.
Impliqué dans le souvenir des paras Britanniques engagés dans la bataille des Ardennes à BURE; et me devant d'être là pour accueillir John HUTTON, j'ai donc interrompu notre WE "
17th US AB" à Bastogne pour me rendre à BURE ce samedi 23 mars .
La délégation, généralement menée par le Major WATSON; décédé l'an dernier; avait emmené dans son sillage un des derniers survivants du 13th PARA Bn dans lequel a également combattu notre ami,
John HUTTON, lui aussi revenu pour l'occasion.
Cet autre vétéran était
Fred SMITH.
Cette visite, purement protocolaire, mène nos visiteurs vers les différents lieux de souvenirs et monuments de la région pour une série de cérémonies.
Le hasard des rencontres a toutefois encore amené son lot d'enseignements et de témoignages, parfois étonnants, mais aussi parfois très durs et crus.
Ainsi "Fred" et "Jock", pourtant du même bataillon et ayant tous deux fais la Normandie et les Ardennes ensembles, ne se connaissaient pas jusqu'à ce 23 mars 2013.
Ici Fred (en chaise) et Jock
et pourtant....
Après le lunch ou j'ai présenté John a un fermier local de mes connaissances, j'ai évoqué et traduis quelques souvenirs de John ou il parlait souvent d'une porcherie; aujourd'hui disparue; et qu'il tentait depuis son dernier retour en janvier de situer avec mon aide.
A notre surprise, le fermier compris qu'il s'agissait de la porcherie jadis exploitée par ses parents, au bas du village, à deux pas de l'Eglise, et nous propose de nous y mener.
John se fout du coup totalement de la cérémonie qui se prépare; il veut voir sa porcherie !!
Et là, derrière un mur que je connais pourtant très bien, les traces de l'ancienne porcherie ou John a tenu 2 jours et 2 nuits de combats de rue; en première ligne; face aux attaques ( 20 sur la première nuit) et tentatives d'infiltrations des panzergernadier.
Sur la photo on voit clairement les traces des murs des auges à cochon qui s’adossaient au mur principal.
Son regard s'illumine, il reconnais tout, il décrit avec précision l'endroit et le bâtiment. Même le trou dans le mur (ajourd'hui disparu) par lequel il arrosait les allemands de rafales de son Bren gun.
Tout ce qu'il décrit est confirmé par le fermier.
Les souvenirs resurgissent et il raconte:
Ils étaient 5 paras dans la porcherie dont les occupant à 4 pattes divaguaient dans le village en proie aux combats.
Le mur Est de la porcherie constituait la première ligne; très fluctuante; de cette bataille urbaine.
La première nuit, alors qu'ils se relayent pour se reposer un peu et que John est de faction, il entend du bruit dans la neige à l'extérieur.
Un allemand, croyant sans doutes que la porcherie était vide, et espérant y trouver un peu de chaleur (il faisait - 15°), rampait vers l'une des trappes d'entrée des auges à cochons ou se trouvait précisément Jock et ses compagnons de combat.
John nous raconte que ne voulant pas dévoiler sa position et attirer sur lui le feu des tanks allemands, se saisit de sa dague commando Fairbairn Sykes et attendit que l'allemand passe sa tête dans la trappe.
Il lui plantât alors la dague de bas en haut, sous le menton, lui transperçant le cerveau.
Il se souvenait avoir frappé si fort que la pointe de sa dague se fichât dans la boîte crânienne de son adversaire.
Il tira ensuite le cadavre à l'intérieur de l'auge se servant de sa dague comme d'une poignée.
Le lendemain cependant ils durent prendre des risques pour ressortir le corps de cet allemand car il attirait les cochons, affamés et agressifs.
Il finit en disant..."
c'est dingue ce qu'on a pu faire, hein ?! "
Sans transition nous nous rendons à la cérémonie à deux pas de là
L'étendart du
Parachute Regiment , le représentant actuel du
Regiment et le doyen des vétérans en tenue de cérémonie traditionnel.
L'aumonier, " le padre", du
parachute Regiment prononce quelques mots en mémoire des disparus.
Après lé cérémonie au monument du 13th PARA Bn c'est au tour de
Fred de vouloir retrouver son poste de combat.
Nous le conduisons vers ou il nous mène et, assez rapidement, il reconnait le porche d'une ferme à l'angle de la Rue de BELVAUX, ou il a combattu avec un copain.
Nous nous apercevons que la ferme est à 50 mètres et en avant de la porcherie occupée jadis par John et ses camarades.
A Fred de raconter son témoignage.
Il se trouve en première ligne dans cette ferme sans autre issue que ce porche.
Les allemands sont à 30 mètres, de l'autre côté du carrefour.
Soudain un tigre ( en réalité un Mark IV) se met en branle à 50 mètres.
Les paras n'ont pas d'arme anti-char et le blindé circule impunément vers la maison du coin faisant face à celle ou est retranché Fred (aujourd'hui disparue et jamais reconstruite).
Il passe le tube par une fenêtre et pulvérise la maison d'un coup de canon.
Il recule puis traverse la route et se dirige vers la ferme occupée par Fred .
Il s’apprête à faire de même et dirige son tube vers la grange.
Fred et son copain sont tétanisés et se préparent à mourir car ils n'ont pas d'issue.
Subitement il reçoivent un tir de soutien venant de derrière eux; à 50 mètres.
Il reconnait le tir caractéristique de ce bon vieux Bren dont le tireur arrose copieusement le blindé, et plus particulièrement le périscope du chauffeur.
Pourtant invulnérable, le blindé subitement recule à l'aveuglette et avec précipitation, escaladant de l'arrière les décombres de la maison qu'il vient de détruire et puis se retire dans la rue de Grupont, rompant le combat.
A ce récit John s’exclame soudain: "
Mais je me souviens exactement de cette scène ! le tireur de Bren , c'était moi ! Nous étions dans la porcherie là-bas à 50 mètres "
A quoi Fred répond "
put.. de bor... de nom de di... !!!" et tous les deux se foutent a rire et à sa tapper dans le dos comme deux gamins qui ont fait une bonne blague.
Voilà deux vétérans en 2013; qui ne se connaissaient pas et qui pourtant ont combattu en Normandie et en Belgique dans le même bataillon; et qui se sont soutenu dans une même phase de combat à 50 mètres l'un de l'autre sans le savoir.
Fred SMITH continue:
Sauvés pour cette fois, ils décident de ne pas forcer la chance et de quitter cet endroit malsain.
Ils sortent et se couvrent mutuellement en courant pour se replier vers la rue de Tellin. Pour cela ils doivent emprunter le carrefour principal et s'exposer aux tirs ennemis.
A ce moment Fred est touché par une balle de MG42 qui lui transperce le thorax en diagonale et le blesse sérieusement.
Le Sgt Médic SCOTT; héros de cette bataille de BURE et décoré de la plus haute distinction pour avoir sauvé plusieurs camarades au péril de la sienne; vient le récupérer rapidement entre les lignes et le ramène à
l'aid station située au 42 de la rue de Tellin.
Il y sera soigné puis évacué vers un hôpital à Namur et ensuite en Angleterre.
La guerre se termine là pour Fred.
Fred est en fin de vie, touché par une maladie incurable, chaque geste lui coûte l'effort d'un marathon, mais il garde un humour typiquement british et une trempe hors du commun.
Quand je lui dit que je comptes bien le revoir en Normandie en Juin, il rit et me répond "
I'm affraid not mate ! But with a para you never know !
"
J'ai bien peur que nom mon ami ! Mais avec les paras, on ne sait jamais !" et il rit ...