Les WE des 4 ; 5 et 6 janvier dernier nous avons commémoré les combats du 03 au 06 janvier 1945 de
6th British AB Division et du
5th Belgian SAS Sqn à BURE en Belgique.
S’étaient unis pour cette occasion le groupe de reconstitution et cercle historique «
101st AB Belgian Friendly » et l’association de parachutistes «
Pathfinder Parachute Groupe » ainsi que d’autres groupes de reconstitutions et indépendants.
L’amicale «
Para-Commando » (ANPCV) s’était aussi jointe aux commémorations ainsi qu’une délégation de la Défense.
Peu de monde connaît BURE dans les Ardennes belges.
Et pour cause, s’est un tout petit village de quelques centaines d’habitants, niché au creux d’un vallon Ardennais.
Ce qui est sûr, c’est que depuis janvier 1945, les paras Britanniques de la 6th AB Division, et particulièrement ceux des 13th ; 12th et Ox & Bucks Bns savent parfaitement ce qu’est BURE ;
un enfer de 3 jours !
Ils y perdront 68 des leurs, pour libérer un village d’à peine 250 habitants à l’époque.
Ces combats ; certes courts en comparaison de la très longue campagne de Normandie de la 6th AB (près de 3 mois en première ligne !) ; sont décrits par les vétérans comme les plus intenses et les plus meurtriers jamais vécus durant toute la période 44-45
Parlons un peu histoire :
(note : il existe très peu d’écrits sur cette bataille et ceux-ci se résument souvent au plus à une page dans un ouvrage général, ou à une étude locale basée sur quelques témoignages.
Mon résumé repose essentiellement sur le témoignage du Maj WATSON (Co A Coy 13th PARA Bn) et des précisions apportées par notre ami Michel BOURLANDCette bataille ; sans intérêt stratégique majeur ; s’inscrivait dans la vaste contre offensive lancée par Monty début janvier 45.
Après l’offensive surprise du 16 décembre 44, qui avait vu s’enliser la guerre autour de BASTOGNE et les diverses divisions blindées se heurter a une farouche résistance US sur la plupart de leurs « rollbahnen » (axe d’attaque) notamment dans le secteur de la 82nd US AB DIV., deux divisions avaient contourné les obstacles et fonçaient vers la Meuse ; la 2 PZ DIV et la DIV PZ LEHR (division école… ).
C‘est cette dernière qui aux environs du 23 décembre passe par l’axe Saint-Hubert > ROCHEFORT, à l’Est de BURE.
Il s’agit pour cette division de tenir ce « c
ordon ombilical » vers DINANT et la MEUSE.
Un axe secondaire, venant de BURE à l’ouest, menace directement cette route.
Les éléments avancés de la PZ LEHR en chassent quelques éléments US qui ; pour anecdote ; retraitent tellement vite et en désordre, qu’ils en oublie leur commandant d’unité…
Ce dernier sera caché puis exfiltré vers ROCHEFORT, par des habitants de BURE, la nuit suivante.
A partir du 23 décembre donc, des éléments de la PZ LEHR occupent solidement BURE avec des blindées lourds de type PZ V (Panther).
Ils ont largement le temps de faire de ce village un camp retranché.
Des patrouilles assurent la liaison avec l’arrière situé à 2 km à l’Est vers GRUPONT.
Lorsque cette zone de combat passe sous commandement Britannique, les anglais savent très peu de la situation ennemie.
La 2 PZ DIV est quelque part vers Foi-Notre-Dame, au nord ouest (ou elle sera bientôt piégée et anéantie).
Des allemands en uniforme US (commandos skorzeny ?) ont été neutralisés au pied du rocher « Bayard » ; en bord de Meuse à DINANT. L’ennemi peut être partout ! La situation est des plus confuses.
La première mission va être de chercher l’ennemi ; le localiser et évaluer ses forces et ses intentions.
Cette tâche reviendra aux parachutistes SAS Belges, devenus depuis leur retour d’Angleterre, une unité de reconnaissance sur jeeps blindées.
Cette opération du nom de code «
REGENT » verra donc des patrouilles de jeeps blindées SAS ; lourdement armées ( 3 à 6 mitrailleuses vickers) et chargées en supplément d’essence ; opérer des incursions en profondeur vers l’inconnu.
Pour info, les SAS Français faisaient exactement le même boulot sur jeep pour le compte de la 3rd US Army, un peu plus au sud dans le secteur de Saint-Hubert (OP « FRANKLIN »)
C’est au cours d’une de ces patrouilles, que le 31/12/1944, les belges établissent le contact avec les éléments avancés de la PZ LEHR à BURE.
Au cours d’un des ces contacts (au moins deux) la jeep des Lt RENKIN, SAS DE VILLERMONT et SAS L’ORPHEVRE engage des éléments ennemis à pied, à proximité de l’actuel monument qui leur est dédié.
Ces éléments rompent le combat mais les SAS n’ont pas vu une position ATK qui leur fait fasse à moins de 300 mètres.
Ils sont engagés au canon et l’un des obus (trois selon certains témoignages, un seul selon d’autres) touche de plein fouet la jeep qui ; en raison de ses suppléments de carburant ; s’embrase en une énorme boule de feu, ne laissant aucune chance aux trois parachutistes.
Leurs corps ne pourront être relevés qu’après le 06 janvier par des villageois de BURE.
Les 3 autres jeeps se replient vers TELLIN .
De l’autre côté de la vallée, au lieu dit «
chapelle D’Haurt », une autre patrouille de 4 jeeps entre également en contact avec les avants postes de l’ennemi.
Le SAS D’OULTREMONT est blessé au cours des échanges.
Il n’y a plus de doutes, BURE est aux mains des Allemands !
Pendant ce temps en Angleterre…
La 6th AB ; durement éprouvée en Normandie ; a reçu ses renforts et a été rééquipée.
Elle se trouve en garnison aux
Larkhill Barracks, dans la plaine de SALISBURY.
Le 23, alors que tout le monde s’apprête à fêter Noël, elle est mise en alerte et envoyée vers la Belgique dans une région appelée « les Ardennes ».
Le voyage se fait en camion et en bateau jusque CALAIS ou les unités débarquent, et ensuite encore en camion jusque dans la région de NAMUR.
C’est là que les officiers reçoivent leur premier briefing.
Il s’agit de chasser les allemands de BURE et de GRUPONT, deux petits village situés en enfilade sur un axe d’Ouest en Est
Resteigne,
Tellin,
Bure,
Grupont.
L’idée de manœuvre est d’amener les Bns en camion jusque Pondrôme et d’y passer la nuit.
Ensuite d’emmener les hommes en camion jusque Resteigne ou ils vont progresser vers la zone de combat à pied (+- 7 km)
Il faisait horriblement froid et il y avait 15 cm de neige à cette période.
Le Bn désigné pour l’attaque sur BURE est le 13th PARA Bn, A Coy et B Coy ; C Coy en réserve.
Le 12th PARA Bn restera en réserve à TELLIN
C’est à l’aube du 03 janvier 45 que le Bn quitte TELLIN pour une progression difficile, dans une épaisseur de neige à hauteur de genoux, et à flanc d’une colline escarpée.
Les deux Coy d’attaque ( A à droite, B à gauche) arrivent en lisière d’un bois à +- 400 m, du village qu’ils ont en visuel en contrebas.
Il est 1300 hrs.
Tout est calme mais les bouches à feu Allemandes (canons, mortiers, mitrailleuses) sont réglées depuis le 23 décembre sur des positions reconnues et étalonnées avec précision.
Cette lisière de forêt fait très logiquement partie de leurs objectifs de tir.
Dès que les compagnies A et B s’élancent dans le «
nomansland » s’est un déluge de feu qui s’abat sur les hommes, tuant et blessant un grand nombre d’entre eux et de nombreux officiers, dont le commandant de la Coy B ; le Major Bill Grantham .
En 15’ à peine les deux Coy sont saignées à blanc.
Le cdt de la Coy A, Le Major WATSON décrit cette attaque comme un carnage abominable.
Il se souvient d’un homme touché par une balle qui a mis le feu à ses grenades au phosphore.
Il brûle et hurle pour qu’on l’abatte. Il mourra un peu plus tard.
Tout autour de lui des hommes appellent les infirmiers.
Il est à noter que ; chose aberrante ; cette attaque n’était appuyée par aucune unité d’artillerie !
Tout ce que les paras avaient à opposer étaient des Enfiled MkIV ; des sten guns ; des Bren ; des grenades et des PIAT’s.
Ainsi que des baïonnettes clous et des dagues F&S qui deviendront bientôt très utiles.
Voyant que les hommes sont cloués au sol ; le Maj WATSON les exhorte à reprendre le mouvement vers les premières maisons du village, que les survivants atteignent non sans mal.
A partir de là, chaque maison du village fera l’objet d’une bataille.
Le Maj WATSON explique dans son témoignage que les allemands se trouvent parfois au 1er étage d’une maison alors qu’ils occupent le rez de chaussée, et que dans l’heure qui suit, les rôles sont inversés après de durs combats au corps à corps.
La C Coy est envoyée en renfort mais il faudra le reste de la journée pour arriver à hauteur du carrefour principal du village et son église (+- 100 mètres !!!).
La nuit il gèle et la température chute jusqu’à – 15°C.
Les hommes ont faim et sont épuisés.
Les gliders du
Ox & Bucks Bn ( les tombeurs de Pégasus bridge) sont lancés dans la fournaise à travers les lignes du 13th Bn, mais il ne peuvent pas pousser plus loin que la A Coy , réduite à l’effectif d’un peloton maintenant.
C’est dans ces conditions que le
Sergent Harry Watkins arrive à trouver tous les hommes éparpillés dans les ruines des maisons de la rue principale et à leur fournir un ragout chaud !!!
Quel meilleur réconfort dans ces conditions de combat ?
Cette prouesse reste pour le Maj WATSON un mystère.
Les chars Allemands rentrent dans la danse et tirent à vue, en tir tendu à courte distance, sur toutes les maisons occupées par les paras.
Le village ne sera plus que champs de ruines après les 3 jours de combats.
La population qui n’a pu s’échapper vers l’Ouest ( dont la grand-mère de Donut et sa maman âgée de 5 ans) s’est réfugiée dans les solides caves du Couvent d’ALZON. (aujourd’hui un collège)
Le Major WATSON et les témoignages civils parlent de chars Tigre mais ; comme souvent cette information tient de la psychose induite par ce blindé de légende.
La PZ LEHR n’est pas équipée de Tigres et les blindés lourds étaient certainement des
Panther et des
Jagdpanther dont la silouette imposante se rapproche vaguement de celle du Tigre.
Le témoin principal de cette bataille rapporte une autre anecdote du
Sergent Scott du RAMC (Royal Army Medical Corps) qui ; tentant de ramener des blessé ; se trouve face à un blindé lourds dont le commandant ; debout dans sa tourelle ; s’adresse à lui dans un Anglais parfait : «
emportez les blessés cette fois-ci, mais ne revenez pas, c'est dangereux ».
Message reçu !
Cette anecdote connaîtra bien entendu plusieurs versions plus ou moins similaires.
Les combats continuent de maison en maison, mais chaque tentative de reprendre la seconde partie du village est réduite par une contre attaque de blindés (2 ?)
Les paras reçoivent enfin l'appui d'une unité blindée (Shermans) qui ne peut opérer que sur la flanc gauche (Bâtis d'Haurt) vu la configuration du terrain.
Cette unité perdra 16 Shermans sur les 3 jours de combats ce qui témoigne largement de la fureur des combats.
S’est finalement sous l’impulsion de la C Coy des Ox & Bucks que la seconde partie du village va tomber le 05 janvier vers 1900 hrs.
Bientôt la résistance Allemande va s’affaiblir sensiblement ; et pour cause ; la retraite générale est ordonnée.
Le 7th Bn avait pris GRUPONT, par le flanc sud, pratiquement sans combat.
Peu après minuit le 06 janvier 45 la Maj WATSON reçoit l’ordre de rassembler les hommes qui lui restent et de se retirer de BURE que les allemands ont abandonné.
Il est maintenant temps d’enterrer les morts dans une terre gelée et impossible à creuser sur plus de 30 cm (68 tués côté Anglais dont la moitié du 13th PARA Bn)
Ce sont les villageois et les religieuses du couvent qui vont s’y atteler et créer le premier cimetière provisoire à proximité du couvent.
Ce cimetière recevra les corps de tous les morts du secteur, toutes nationalités et qualités confondues.
Les corps des paras Anglais seront transférés vers le cimetière militaire actuel d’HOTTON en 1947.
Les SAS belges retrouveront leurs cimetières de village respectifs et les allemands le cimetière militaire allemand de LOMMEL.
Tout le monde ; sauf les paras Anglais et les villageois (et sans aucun doute les allemands) ; va oublier cet épisode sanglant de la bataille des Ardennes.
Cette petite page de l’immense Bataille des Ardennes ; trop souvent résumée à «
Bastogne » ; est totalement oubliée des livres d’histoire; ….même en Angleterre.
Dans la discrétion et sans «
chichis » les villageois et leurs libérateurs Anglais (le Maj WATSON revenait régulièrement à BURE) se sont souvenus durant des années.
Mais le temps passe et la population vieilli ; la ferveur s’émousse et les jeunes oublient.
C’est là qu’intervient notre ami ;
Michel BOURLAND ; qui a lancé l’idée d’une marche historique de reconstitution depuis 4 ans.
La première édition réunissait à peine une douzaines de reconstitueurs motivés.
Le WE dernier nous étions près de 100 !