C’est donc pour la deuxième année consécutive que le
Pathfinder Parachute Group tente de commémorer ; à sa manière ; le très méconnu raid de Bruneval ( 27-28 Février 1942) par un saut en parachute sur la DZ historique de LA POTERIE - Cap d’ANTIFER.
Cette année fut la bonne, non sans forcer un peu la nature !
D’abord un petit mot sur le contexte historique de cet évènement; raison principale et fondement même de l’initiative.
Je vais me limiter à un résumé assez grossier du raid; de son histoire et de ses conséquences; qui ne sera forcément qu’un très mauvais résumé de l’excellent livre d’Alain MILLET et de Nicolas BUCOURT, ouvrage qui constitue ma source essentielle.
En 1942 l’occupant Allemand est installé en force sur tous les territoires bordant la manche et la mer du nord (France, Belgique, Pays-Bas, Norvège)
L’Angleterre; toujours debout et encore isolée face aux forces de l’axe à cette époque; après avoir gagné la bataille d’Angleterre et tenu en échec les escadres Allemandes, porte maintenant la menace aérienne sur les territoires occupés.
Cela se traduit essentiellement par des raids aériens stratégiques +- ciblés et du harcèlement aérien de «
maraudeurs » à la recherche de cibles « intéressantes » ou « opportunes ».
Côté allemand la défense s’organise et le repérage radar y joue évidemment un rôle déterminant dans une guerre qui est encore exclusivement aérienne.
La Luftwaffe dispose pour cela de personnel et de matériel performant et hautement qualifié répartis sur tout le front de mer entre l’Espagne et le nord de la Norvège.
Nombres de formations de bombardiers sont repérées et interceptées bien avant qu’elles puissent frapper le territoire occupé.
Le haut commandement Britannique sait l’expertise Allemande en repérage élèctromagnétique mais ignore les détails des avancées technologiques, si préjudiciables à la RAF.
Une autres forme de guerre; plus secrète celle-ci; est menée sur le territoire Français par le SOE, le BCRA et une résistance qui n’en est encore qu’à ses débuts.
Ces différentes missions amènent leur lot de renseignements, mais cela reste insuffisant.
Une photo aérienne d’une qualité exceptionnelle, conjuguée aux renseignements précieux de résistants locaux, va alors précipiter les services secrets Britanniques dans une réflexion qui va traverser un certain nombre de péripéties pour finalement donner naissance à un projet concret d’action commando.
Cette photo prise le 05 décembre 1941 par un spitfire de reconnaissance (piloté par le Squadron Leader Anthnoy HILL, D.S.O, D.F.C) au dessus de la côte d’albâtre à La POTERIE; à proximité du bourg de BRUNEVAL, entre ETRETAT et LE HAVRE; révèle la présence d’un «
grand radiateur électrique » dressée en bordure de falaise, à proximité d’une villa côtière, qui sera bientôt connue sous le nom de «
villa GUOSSET ».
Ce radiateur géant de 3 m de diamètre n’est autre qu’un radar de type
WÜRZBURG, dernière génération des systèmes de localisation électromagnétique de la Luftwaffe.
C’est donc sur fond de guerre technologique que se dessine ce qui va devenir le «
raid de BRUNEVAL »
Parallèlement à cette guerre de scientifiques et de techniciens, la Grande-Bretagne reconstitue son armée après la débâcle de juin 1940..
Parmi ces nouveaux contingents est née ce qui deviendra «
l’Airborne ».
Forts de ce qu’ils ont pu observer en Crête, l’arme parachutiste va naître sur le modèle des
Falschirmjaeger; ce qui est très perceptible dans l’aspect vestimentaire des premiers red devils.
Des Bataillons d’infanterie traditionnels vont être amenés à devenir des bataillons du futur Parachute Regiment, sur base volontaire.
Les volontaires pour la dure instruction parachutiste vont rester au sein de leur bataillon qui garderont d’ailleurs leur nom d’origine, les autres seront reversés dans une nouvelle unité traditionnelle.
En général 80 % du personnel se porte volontaire, mais seul un tiers de l’effectif termine avec succès la formation complète.
Parmis ces « t
ête brûlées » les écossais du
2nd Bn, 1st Parachute Brigade.
Ces solides
highlanders proviennent des meilleurs Régiment Ecossais (
Black Watch ;
Seafort Highlanders ;
King’s own Scottish borderers,
London Scottish ;
Queen’s Own Cameron Highlanders...etc)
En ce début de l’année 1942 ils arborent toujours fièrement leurs
Glengarry et
Tam O’shanter et les insignes et tartans de leurs unités d’origine, bien qu’ils soient maintenant tous qualifiés « Airborne ».
Le célèbre
Red beret et les attributs «
airborne » sont pour bientôt.
Ils sont équipés d’un matériel de pointe pour l’époque.
Un casque spécial «
P Type » P pour «
parachute » est fabriqués pour eux.
Il ressemble au futur MK I et MK II avec en plus un «
bec de canard » en caoutchouc à l’arrière (destiné à écarter les suspentes et élévateurs du parachute type X du cous du parachutiste au moment de l’ouverture ?). Il disparaîtra peu après le raid.
Ils sont dotés d’une chemise en toile forte «
jackets parachutists » brunâtre, clairement copiée sur le modèle de la «
bluse » des falschirmjaeger.
Cette chemise se porte au-dessus du BD et se ferme par un fermeture éclair sur le torse et des pressions à l’entre-jambe, lui donnant l’aspect d’une sorte de «
grenouillère de combat ».
L’armement est déjà celui qu’on retrouvera tout au long de l’épopée de la British Airborne, le Sten gun MKII, le lee enfiled MKIII ( avec le premier modèle de baïonnette longue pattern 1907) ; le formidable Bren gun mais aussi le fusil antichar Boys.
Le chef ; tout aussi écossais ; de cette bandes de durs à cuire est le
Major John FROST, qui ne quittera plus ce bataillon jusqu’à sa capture au pont d’Arnhem en septembre 1944.
Ils ne le savent pas encore, mais les hommes de la C Coy (et quelques éléments des A et B Coy ainsi que des Royal Engeneers) vont être les héros de la première action de combat sur le territoire ennemi.
C’est dans le plus grand secret qu’est élaboré le plan de la première opération combinée (air, mer, terre) chapeautée par Lord MOUNTBATTEN.
L’oppération est baptisée «
BITING » (
morsure); la bien nommée; puisqu’elle va en effet constituer la première réelle morsure dans la défense Allemande.
L’objectif:
se saisir d’éléments essentiels du radar WÜRZBURG de LA POTERIE et détruire le reste en faisant croire que là était le réel objectif de la mission.
Le plan:
Une compagnie (+- 120 hommes) de parachutistes va être larguée de nuit sur une DZ à 700 m à l’Est du site radar, entre la falaise et le bourg de la POTERIE.
Après regroupement les différents groupes d’action vont exécuter la mission qui leur est assignée.
Chaque groupe porte le nom de code d’un grand amiral de la navy (
NELSON,
JELLICOE,
DRAKE,
HARDY,
RODNEY) et aura sa mission propre.
NELSON a pour mission la couverture du la vallée de BRUNEVAL et la neutralisation des fortifications côtières de la plage d’extraction. (Redoubt, Guard room, Beach fort)
DRAKE sera chargé de mener des diversions au nord du site et notamment sur la garnison de la ferme GOSSET (Rectangle).
HARDY (le groupe de Frost) sera chargé de neutraliser la garnison de la villa GOSSET (Lone House)
JELLICOE sera chargé de la capture du radar.
Enfin
RODNEY constitue la réserve et est chargé de couvrir toute tentative d’attaque venant de la ferme GOSSET.
Le largage se fera depuis 12 bombardiers WITHLEY du 51st Sqd adaptés aux largages de parachutistes.
Une armada navale composées de bâtiments de la Royal Navy et de chasseurs de sous-marins de la FNFL, aura pour mission de couvrir et d’escorter les péniches L.S.C. et A.L.C. chargés évacuer les raiders par mer, depuis la plage de BRUNEVAL.
Des
Marines Commandos embarqués sur ces péniches, doivent aider à sécuriser l’opération d’évacuation en couvrant la côte depuis les bâtiments et ; au besoin ; en débarquant sur la plage pour la saisir de force si cela n’avait été fait par les paras.
L’opération ne doit durer que quelques heures et repose sur la surprise et l’efficacité.
Bien entendu, malgré une préparation minutieuse d’une extrême précision, le bon déroulement de ce plan sera perturbé par des imprévus.
Et c’est exactement là que l’esprit d’initiative et le mental à toute épreuve de ses hommes d’exception va faire toute la différence.
Parallèlement à l’opération, un nombre impressionnant d’actions de diversion (bombardements aériens) sera mené sur toute la côte Française.
Vous l’aurez compris, les dates possibles pour l’opération ne sont pas nombreuses en ce début janvier 1942 puisqu’elles doivent réunir des conditions de saut acceptables ainsi qu’une lune et une marée favorable.
La marée imposant un timing strict et serré pour la récupération.
C’est sans le savoir que la C Coy du 2 PARA Bn s’entraîne sans relâche dans la morne plaine de SALISBURY, pour un raid dont ils seront les acteurs de première ligne.
Un site semblable à celui de BRUNEVAL est même trouvé en Angleterre.
Ce n’est que quelques jours avant le raid que les paras sont informés de leur mission future et qu’ils commencent à travailler sur une maquette précise, établie sur base de renseignements; de photos aériennes et de cartes postales touristiques.
Ils découvrent le site de leur raid en 3 dimensions.
Chaque point stratégiques du site est codé:
Targuet (radar) =
HenriGarnison de la ferme GUOSSET=
rectangle (en raison de la forme de la propriété)
Garnison de la villa GUOSSET =
lone house (maison isolée)
Fortification sur le sommet de colline d’Amont =
redoubtVilla fortifiée de la plage de BRUNEVAL, villa Stella Maris =
guard roomRéseau fortifié de la colline d’aval =
beach fortDes techniciens radar de la RAF, brevetés parachutistes pour l’occasion, seront adjoints aux formations de combat pour procéder au démontage des éléments du radar Allemand.
Parmi eux le
Sgt COX, qui procèdera à cette action sous le feu ennemi.
La date arrêtée est le 27/02/1942.
La nuit est calme et lumineuse, le vent est quasi nul, le sol est recouvert d’une fine pellicule de neige, il fait froid.
Les formations remontent la côte vers le nord en larguant leur cargaison humaine.
La flak viendra rapidement jouer les trouble fête, mais heureusement sans causer de pertes.
Flak et désorientation seront à l’origine de mauvais largages de quelques sticks, à plus de 3 km au sud la DZ.
Pour une action «
coup de poing » qui se veut rapide et précise, une telle distance est évidemment catastrophique.
Ces sticks, menés par des hommes de qualités (Lt CHARTERIS; Sgt LUMB; Sgt REID et Sgt GRIEVE entre autres), réagiront en vrais Commandos, en s’adaptant rapidement à la situation.
Ils joueront un rôle déterminant dans la phase finale du raid.
Au sol, les groupes s’organisent rapidement, comme à l’entraînement.
Ils reconnaissent immédiatement la maquette en grandeur nature. Tout s’y trouve comme prévu.
FROST constate qu’il lui manque des effectifs destinés à neutraliser la plage ( groupe d’assaut NELSON).
Il poursuit imperturbablement la mission prévue en ré-articulant ses forces, laissant à plus tard ce problème.
La garnison du radar est attaquée par le groupe de Frost (HARDY).
Deux allemands sont tués et deux faits prisonniers (ils seront ramenés en Angleterre et plus tard emprisonnoés au canada).
Les allemands ; totalement surpris ; réagissent mollement, mais la riposte ne tarde pas à venir depuis «
rectangle »
Le premier parachutiste Britannique tombe en territoire ennemi, le
Pvt Mc INTYRE.
On compte aussi bientôt les premiers blessés, notamment parmi les égarés.
La nuit empêche les Allemands d’identifier clairement l’ennemi, ce qui les rend hésitants à ouvrir le feu sur les silhouettes qui se profilent sous la lune.
Toutefois, un tir nourrit se déclenche rapidement sur le radar ou s’affaire maintenant le groupe d’assaut et son technicien, le
Sgt COX.DRAKE, placé en écran défensif face au nord, coupe court à une tentative de contre-attaque venant de cette direction.
La coordination quasi inexistante entre Luftwaffe et Wehrmacht retarde et paralyse heureusement la réaction Allemande.
Un fort contingent d’infanterie était pourtant disponible à courte distance du lieu d’intervention.
Seules quelques actions menées d’initiative, comme celle du Lt HUHN, opposeront une résistance sensibles aux raiders.
La neutralisation de
Beach Fort et de
guard room sera finalement opérée de manière totalement différente que celle prévue par le plan initial, puisque le site sera attaqué de trois côtés « grâce » aux «
misdropped » qui ; sans concertation préalable ni liaison radio et en bon Commando ; vont exécuter leur mission depuis l’endroit ou ils se trouvent.
Mission accomplie, le groupe d’assaut détruit le radar et rejoint la plage avec son précieux butin.
L’opposition allemande commence à se faire sentir, notamment sur
beach fort.
La réaction de cette petite garnison coûtera encore un blessé grave ; le
Sgt Maj STRACHAN; touché de 4 balles à l’estomac sur le site de «
redoubt », alors qu’il entame la descente vers la plage.
Les péniches ne sont pas au rendez-vous, retardées par le passage imprévu d’un convoi allemand au large.
Les conditions de marrées deviennent de plus en plus difficiles dans cette crique déjà délicate et au moment du réembarquement les mariniers font preuve d’un savoir faire et d’une audace incroyable pour ramener tout le monde sur la « grande île de Churchill ».
Une péniche en panne sera même réparée pendant l’action en un temps record.
Le
Sgt Maj STRACHAN; sous morphine depuis sa vilaine blessure reçue quelques temps avant; voyant que certains jeunes paras commencent à paniquer au vu du chaos général régnant sur la plage; réagit en bon
Sgt Major.
Il descend de la péniche ou il avait été embarqué pour aider des paras valides à embarquer, et va même jusqu'à pousser la péniche, sur le point de s’échouer, dans une eau glacée jusqu'à la taille.
5 paras égarés n’ont pu rejoindre le point d’embarquement à temps et seront fait prisonniers dans des délais relativement courts, après de nombreuses péripéties pour certains.
Ils seront bien traités.
Un autre para égaré sur la colline aval, le
Pvt Alan Worton SCOTT mourra stupidement en chutant de la falaise de 70 mètres sur les galets de la plage, en aval de
Guard room.
Il sera découvert agonisant au petit matin par une patrouille allemande qui fera également les 3 premiers prisonniers réfugiés dans une grotte à proximité.
La mission sera un succès total.
Les retombées technologiques seront importantes puisqu’elles permettront aux forces alliées de développer; entre autres; des contre mesures aux radars Allemands, mais aussi ses propres techniques radar.
L’effet pervers sera une prise de conscience par le haut commandement Allemand de la vulnérabilité de la côte; et du territoire occupé en général ; et donc le renforcement progressif des défenses côtières et une meilleurs articulation des forces avec une interaction plus étroite entre Luftwaffe et Infanterie.
Ce qui n’était qu’ébauche de tranchées et abris en rondins, va devenir petit à petit le mur de l’Atlantique que devront affronter les héros du 06 Juin.
L’audace et l’efficacité de l’action va forger la réputation, à vie, des paras Britanniques, auxquels le Comte VON DER HEITE ;commandant des parachutistes Allemands; voue depuis ce jour une admiration et un respect total.
Il sera d’ailleurs dépêché sur place pour enquêter sur ce raid en qualité d’expert.
Autres effets immédiats de ce raid : l’acceptation et le développement du principe des «
combined operations » , et bien entendu, le développement à grande échelle des
Divisions Airborne et de l’arme
parachutiste, dont les derniers sceptiques ne peuvent désormais plus nier l’efficacité ni la raison d’être.
Pour CHURCHILL le message de «
BITING » est clair: «
nous pouvons vous mordre ou et quand nous le voulons; et nous reviendrons ! »
Assurément, le commandement Allemand à reçu le message fort et clair.
De ce raid il ne reste plus qu’un vétéran en vie, le
marinier Ken HOLDEN, qui a couvert du feu de ses mitrailleuses embarquées l’évacuation des paras.
Si les 120 parachutistes ont étés les acteurs de première ligne de ce raid, il ne faut pas perdre de vue que près de 2000 hommes et femmes ont été, de près ou de loin, impliqués dans cette opération.
Parmi eux les résistants de la première heure du réseau "
Confrérie Notre Dame" et "
Alliance" avec à sa tête de Colonel REMY.
Tous ces parachutistes du
2nd PARA Bn s’illustrerons ; au sein de cette unité ou d’autres de l’Airborne ; au cours de combats avenirs (Italie, Afrique du Nord, Normandie, Hollande, Belgique, Allemagne).
Certains donneront leur vie dès la fin de cette année 1942 en Afrique du Nord.
En visitant les lieux, et à fortiori, en exécutant ce saut, nous avons pu prendre toute la mesure de l’audace mais aussi de la perfection de ce raid.
Voilà pour l’histoire, maintenant place au résumé et photos / vidéos de notre très modeste «
opération Biting »